Une nouvelle place du village

Située dans la région de l’Unterland zurichois, la commune de Bassersdorf a connu ces dernières années une croissance très rapide. Avec la nouvelle place du village, elle offre à sa population un centre moderne à caractère urbain qui réussit en même temps à rester le «cœur du village». Deux grands distributeurs y ont installé leur filiale, une chance que lui envie bien d’autres communes. Ce résultat n’a cependant pas été atteint du jour au lendemain.
Monika Zumbrunn, Responsable de la communication, EspaceSuisse

L’histoire commence avec un projet de WC publics, que la population de la commune proche de l’aéroport de Zurich avait appelé de ses vœux. Patrik Baumgartner, responsable des constructions et des équipements au sein de l’administration communale, sourit en pensant à ce qui a finalement vu le jour à partir de cette idée: «Une réelle place du village, avec son café et une fontaine!» Mais une chose après l’autre. Nous sommes dans la Dorfstrasse, au centre de la localité (voir point 1 sur la carte ci-dessous). Débouchant depuis le nord sur la nouvelle place du village («Dorfplatz») après être passée devant le restaurant Frieden, cette rue constitue la première station de notre visite du centre nouvellement aménagé.

Avec ses 12’000 habitants, la commune est une ville aux yeux des statistiques officielles, mais Bassersdorf entend bien rester un village. Sa population ayant presque doublé suite au boom des constructions au tournant du siècle, la commune a dû faire face à de nouveaux besoins. Les nouveaux arrivants n’étaient pas les seuls à souhaiter un centre digne de ce nom. Il s’agissait aussi de donner plus de place à la «Chilbi», la grande fête du village, ainsi qu’aux festivités du carnaval local, sans oublier la filiale de la Migros, devenue trop petite. Le défi: créer un lieu de rencontre accueillant et vivant et à trafic modéré.

Six stations nous permettront de découvrir la nouvelle place du village de Bassersdorf. Source: Office fédéral de topographie swisstopo

Renforcer l’identité

On peut aussi accéder à la nouvelle place par le Baarainliweg (point 2). Aussi appelé Fastnachtswägli (le petit chemin du carnaval), il témoigne d’une culture villageoise vivante. «Basi», comme les habitants appellent tendrement leur village, possède en effet des dizaines de sociétés et d’associations actives. Une structure traditionnelle qui n’a pas manqué d’être bouleversée par le rapide développement qu’a connu le village récemment. «En créant une place du village, nous voulions aussi renforcer l’identité de notre localité», explique Patrik Baumgartner. À cet égard, les habitants ont la chance de pouvoir fonder cette identité sur un noyau villageois historique formé de bâtisses de plus de 300 ans, situé à quelques centaines de mètres seulement de la nouvelle place du village.

Des débuts difficiles

Arrêtons-nous maintenant sur cette nouvelle place (point 3). Le jour de notre visite, la fontaine gargouille et l’eau scintille dans le soleil matinal. Les gens traversent la place d’un pas décidé, appelés par leurs activités du jour. Un petit stand de marché propose des cerises de la région et quelques personnes sont assises au café. Les voitures et les camions circulant sur la route principale ne semblent déranger personne.

Les travaux de réalisation du nouveau centre ont duré près de trois ans. Sur le devant au milieu, on voit le pavillon avec l’entrée du garage souterrain. Photo: Mano Reichling, ixedi.ch FOTOGRAFIE

La présence côte à côte de la Migros et de la Coop ne passe pas inaperçue. Ce voisinage est le résultat d’une longue histoire, riche en péripéties. En 2006, un premier projet de place n’avait rien donné et la commune n’avait même pas transmis le plan d’affectation de détail correspondant au service cantonal d’aménagement du territoire pour approbation. Le plan avait certes été approuvé par l’assemblée communale, mais personne n’en était vraiment satisfait (voir l’interview).

Que s’était-il passé? Lors de l’assemblée communale, qui avait été le théâtre d’intenses discussions, la population avait suivi les recommandations de la commune et rejeté le garage souterrain sous la place du village prévu dans le projet. La commune et la Migros n’avaient en effet pas réussi à se mettre d’accord sur la répartition des coûts. L’agrandissement de la Migros était certes souhaité par tous les acteurs, mais il ne pouvait se faire sans places de parc supplémentaires en sous-sol. Le rêve de réaliser les deux à la fois était momentanément fini. Ce n’est qu’après plusieurs détours qu’un projet de centre avec garage souterrain vit finalement le jour et fut inauguré solennellement en 2015. Nous verrons comment.

Une place du village multifonctionnelle

Patrik Baumgartner est visiblement fier du résultat: «Nous avons deux bons fournisseurs au cœur du village pour les besoins quotidiens et les petits commerces juste à côté en profitent également.» En offrant à la communauté villageoise agrandie un lieu où elle peut se retrouver, la nouvelle place contribue à redéfinir l’identité de Bassersdorf. Avant que la place ne voie le jour, les stands de la «Chilbi» étaient coincés tant bien que mal devant l’ancienne filiale de la Migros. «Aujourd’hui, nous pouvons même y organiser en été l’assemblée communale, avec 250 personnes». La place n’a reçu son nom qu’une fois terminée. Situé au beau milieu de la localité, l’endroit était auparavant un terrain abandonné utilisé comme parking et pour des manifestations, avec un pré, un grand tilleul et l’ancienne gare de Bassersdorf, transformée en Maison des jeunes. Il a fallu la démolir pour créer le nouveau centre, et les jeunes ont dû déménager.

Aujourd’hui, la place est généreuse en espace mais avare en verdure. Certains habitants critiquent son caractère trop austère ainsi que le manque de possibilités de s’asseoir. Il est vrai que les quelques arbres que l’on y trouve ont l’air un peu perdu; peut-être parce qu’ils doivent pousser dans des pots surdimensionnés pouvant être déplacés lors de la «Chilbi». Le bassin plat de la fontaine peut aussi être mis à sec. Les jours de chaleur, la fontaine est le royaume des enfants, qui s’amusent à se gicler pendant que leurs parents vont faire leurs achats. «Il y a des jours, on se croirait presque à la piscine», raconte Patrik Baumgartner. L’objectif de réaliser une place vivante a en tous les cas été atteint. Mais ce succès ne convient pas à tout le monde et certains riverains se fâchent parfois à cause du bruit. La réalisation du nouveau centre nécessitait de modifier les prescriptions du règlement sur la construction dans la zone centrale du village. Issu de la révision du plan de 2006, le nouveau plan d’affectation de détail de 2009 a permis des réalisations d’une toute autre ampleur et d’un autre genre: six étages au lieu de deux, une longueur maximale de bâtiment de 80 mètres et non plus de 30 et des toitures plates. En contrepartie, le plan exigeait un aspect d’ensemble de haute qualité architecturale, bien intégré dans le tissu construit environnant. Avec la place du village, qui est en même temps la mesure centrale de la stratégie de développement «Bassersdorf 2030» (voir plus bas), la commune a su lancer un signal urbanistique fort. 

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La commune a aménagé davantage d’endroits pour s’asseoir en réponse aux réclamations de la population.
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Le pavillon qui abrite le café appartient à la commune. À l’arrière du bâtiment se trouve l’entrée du garage souterrain. La maison à colombages derrière le pavillon est un bâtiment communal qui abrite l’administration. Photos: E. Van der Werf, EspaceSuisse

Chronologie de la planification du centre de Bassersdorf

2003 : L’assemblée communale approuve le crédit pour un concours pour un noyau villageois à trafic modéré.

2006 : L’assemblée communale approuve le (premier) plan d’affectation de détail pour une nouvelle place de village avec agrandissement de la filiale de la Migros et un bâtiment à usage public (salle communale, bibliothèque, maison des jeunes), mais sans garage souterrain. En même temps, une zone de rencontre avec vitesse limitée à 20 km/h est autorisée.

2009 : L’assemblée communale approuve le (second) plan d’affectation de détail révisé prévoyant des bâtiments pour la Migros et la Coop et un garage souterrain commun. Le bâtiment public initialement prévu n’est plus compris dans le projet en raison de la nouvelle situation.

2012 : Pose de la première pierre

2015 : Inauguration à l’occasion de la «Chilbi»

Des places de stationnement controversées

Notre station suivante est la place de la Poste (point 4), à quelques pas de la nouvelle place du village, où une zone de rencontre a été aménagée ces dernières années; dans les rues qui y mènent, la vitesse est limitée à 20 km/h. Devant la pharmacie et la banque qui bordent la place, on remarque une rangée d’une douzaine de places de courte durée. La place de la Poste a été le théâtre d’une forte opposition aux plans ambitieux de la commune. Il y a eu certes des recours et des contre-initiatives durant toute la phase de planification du centre, mais c’est sur la place de la Poste que s’est concentrée la colère populaire. Il y a deux ans, la commune avait en effet décidé quasiment du jour au lendemain de supprimer toutes les places de stationnement pour réduire encore plus le trafic individuel dans la zone de rencontre. Les opposants à ce projet réunirent plus de 2’000 signatures, suite à quoi l’exécutif finit par revenir sur sa décision (voir l’interview). Aujourd’hui, les places de stationnement en surface sont intensément utilisées, tandis que le parking souterrain tout proche est plutôt sous-utilisé. 

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Le garage souterrain sous la place du village ne semble pas très apprécié: près de 2’000 signatures ont été récoltées au sein de la population contre la suppression des places de stationnement sur la place de la Poste en bordure de la nouvelle zone de rencontre.
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Le garage souterrain sous la nouvelle place du village est directement accessible depuis la rue et libère la place de la circulation. Photos: M. Zumbrunn, EspaceSuisse

Une commune active

Si la population s’est opposée aux plans de la commune pour la place de la Poste, l’exécutif, composé de sept membres, a néanmoins de beaux résultats à son actif. Pour le découvrir, rendons-nous à la prochaine étape de notre visite, un petit chemin sans nom qui mène du pavillon abritant le café (point 5) à la maison de commune. La commune a été extrêmement active dans la planification du centre. Après l’assemblée communale tumultueuse de 2006, elle n’a pas attendu longtemps pour agir, et tandis que la Migros étudiait des solutions pour s’installer dans la zone industrielle et artisanale près de la gare, en dehors du centre, l’exécutif prit contact avec son concurrent, la Coop. Cette dernière ayant déclaré son intérêt à ouvrier une filiale au centre de Bassersdorf, de nouvelles discussions furent engagées. Parallèlement, la commune laissa provisoirement le premier plan d’affectation adopté par la population en suspens.

Deux ans plus tard, la situation avait changé. La Coop était devenu le nouveau partenaire de la planification du centre, tandis que la Migros se concentrait sur un projet de nouvelle construction vers la gare. Ledit projet, cependant, ne put être réalisé, ce qui, rétrospectivement, s’avère être une bonne chose. Au dernier moment, en effet, la commune modifia le règlement sur l’aménagement du territoire et les constructions de façon à interdire la réalisation de surfaces de vente de biens de consommation courants de plus de 500 m2 dans la zone industrielle et artisanale. Une manœuvre politique aussi habile que courageuse, qui obligea la Migros à revenir à la table des négociations (voir l’interview). Après avoir encore associé au projet une entreprise d’investissement et de développement, un concours fut lancé. Finalement, les acteurs participant au projet convinrent d’une clé de financement pour le garage souterrain controversé.

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Bien que concurrents, la Migros et la Coop s’installent volontiers côte à côte: aujourd’hui, les deux grands distributeurs ont une filiale au centre de Bassersdorf.
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Les marchandises sont livrées à la Migros directement depuis la rue. Photos: E. Van der Werf, EspaceSuisse

D’autres projets prévus

Rendons-nous maintenant à la dernière station de notre visite. À l’endroit où le Bahnwegli (le petit chemin des Chemins de fer) arrive sur la place du village depuis le sud, on tombe sur une bande d’asphalte plus clair qui longe la place sur un axe est-ouest et se prolonge des deux côtés de celle-ci (point 6); elle marque l’ancien tracé du chemin de fer qui traversait Bassersdorf jusqu’en 1980. Aujourd’hui, ce tracé a été aménagé en un chemin public pour piétons et vélos fort apprécié, qui symbolise à merveille la rencontre fructueuse entre le passé et le présent.

La nouvelle place du village et la zone de rencontre ne sont qu’un début, car Bassersdorf a encore de nombreux défis à relever. Un autre centre est en projet dans le voisinage proche sur une parcelle actuellement inutilisée, avec un bâtiment public initialement prévu sur la place du village. Mais ce n’est pas pour demain, car la commune n’a pour l’instant tout simplement pas l’argent nécessaire. Parvenus au terme de notre visite, nous voilà revenus sur la place du village, avec laquelle Bassersdorf a réussi un coup de maître. Une seule chose n’y est visible nulle part: des WC publics, dont l’idée a été abandonnée dès le début de la planification. Ce souhait exprimé par la population de Bassersdorf n’a donc pas encore été exaucé à ce jour.

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Une bande claire longe toute la place du village et marque l’ancien tracé du chemin de fer qui coupait la ville en deux jusqu’en 1980. Aujourd’hui, cet ancien tracé est un chemin pour piétons et vélos très apprécié à travers Bassersdorf. Photo: M. Zumbrunn, EspaceSuisse

Stratégie de développement «Bassersdorf 2030» et révision du règlement sur l’aménagement du territoire et les constructions

L’aménagement de la place du village est une mesure clé de la stratégie de développement que la commune a élaborée avec la population. Ces prochaines années, plusieurs projets d’infrastructure influenceront le développement territorial: l’autoroute de la vallée de la Glatt (projet), le GlattalbahnPlus (tram) ou le tunnel du Brüttener (chemins de fer). À l’avenir, Bassersdorf devra aussi se pencher sur la très forte densité de trafic circulant depuis des années sur son territoire. 

La stratégie de développement «Bassersdorf 2030» sert de base à la révision en cours du règlement sur l’aménagement du territoire et les constructions, qui fait l’objet d’intenses discussions. Alors que la commune voulait développer une zone résidentielle au sud de la gare, l’assemblée communale a approuvé une initiative qui interdit le classement en zone à bâtir de surfaces supplémentaires et des zones avec des bâtiments de plus de 25 mètres de hauteur. Reste cependant à savoir si cette interdiction portant sur les immeubles de grande hauteur est compatible avec la planification de rang supérieur.

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La nouvelle place du village a été inaugurée en 2015 lors de la «Chilbi». Photo: Mano Reichling, ixedi.ch FOTOGRAFIE

Points de repère du nouveau centre du village

  • Périmètre concerné dans la zone de centre: 10’612 m2
  • Trois nouveaux bâtiments: un immeuble de quatre à six étages pour la Migros (1’800 m2 de surface de vente), un immeuble de quatre étages pour la Coop (1’200 m2 de surface de vente), avec 71 appartements au total, et un pavillon d’un niveau avec un café et des entreprises artisanales
  • Bâtiments labélisés Minergie, place adaptée aux personnes handicapées
  • Garage souterrain avec près de 200 places de stationnement publiques et payantes; 40 places appartiennent à la commune en remplacement des places en surface (avant la transformation)
  • Accès direct au garage souterrain depuis la rue, la place elle-même est sans voitures
  • Coûts à la charge de la commune pour la place du village avec le pavillon: environ 5 millions de francs (plus 1,3 million pour les places de stationnement dans le garage souterrain)

La parole à ... Doris Meier-Kobler

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Doris Meier-Kobler (PLR) est présidente de la commune de Bassersdorf depuis 2010. Elle a suivi la planification du centre avec la nouvelle place du village depuis 2004 à titre de membre de l’exécutif. Architecte EPFZ, elle habite à Bassersdorf depuis 1996.

Doris Meier-Kobler, la place du village est à un jet de pierre de la maison de commune. Quand avez-vous flâné pour la dernière fois sur la nouvelle place ou y avez-vous bu un café?

Je vais rarement au café, mais je suis passée hier sur la place.

Avec quel sentiment?

Un bon! La place du village est manifestement utilisée par la population. Je suis très heureuse de voir que c’est un lieu vivant et les enfants qui jouent dans la fontaine me réjouissent beaucoup. Je crois qu’ici la commune a fait beaucoup de bonnes choses.

Il y a cependant eu des oppositions venant de différents côtés. En tant que présidente de la commune, vous avez joué un rôle actif lors de la planification de la place du village. Pourquoi est-ce si important?

La tâche stratégique de l’exécutif est de développer une vision pour la commune en prenant en compte ses besoins. Dans le cas de Bassersdorf, ce qui manquait, c’était un lieu de rencontre. Lorsque la commune veut mettre en œuvre sa vision, elle doit être continuellement à l’écoute de la population et tenir compte d’une éventuelle résistance au changement. Mais parfois, il est aussi nécessaire d’y croire et d’avoir le courage de mener le projet à son terme. À cet égard, il est important de régulièrement se demander si l’on s’approche bien de l’objectif que l’on s’est donné. Bassersdorf possède aujourd’hui un lieu de rencontre, une «place du village» et non une «place urbaine» – une option qui avait aussi été discutée. Nous avons dû faire un certain nombre de détours pour atteindre notre objectif, mais nous y sommes parvenu. 

Vous plaidez pour le courage de mener quelque chose à son terme. Or il est arrivé à plusieurs reprises que la population ne suive pas la commune. Le dernier exemple en date est la place de la Poste, qui jouxte la place du village, et où la circulation n’a finalement pas été réduite. La commune avait-elle fait ici une erreur d’appréciation?

La place de la Poste a de nombreuses fonctions et tâches à remplir. Nous avons effectivement agi un peu trop vite au moment de la réalisation, sans suffisamment informer la population en amont. Cette expérience nous a permis d’apprendre quelque chose. Sur le fond, je pense que le processus de participation de la population a toujours deux aspects: l’un est de pouvoir prendre part à la discussion;
l’autre est qu’il y a peut-être une quarantaine de personnes qui y participent et qui s’engagent dans ces démarches. On peut donc se demander qui représente la population: ces quarante personnes ou la grande majorité silencieuse? Il faut bien sûr toujours être à l’écoute de la population, mais à la fin, une autorité doit aussi être suffisamment forte pour réaliser des idées – avec le risque que le projet échoue. Dans le cas de la planification de la place de la Poste, il est intéressant de noter que la solution proposée par la table ronde issue du processus de participation a ensuite quand même été refusée par l’assemblée communale.

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L’ancienne gare transformée en Maison des jeunes a dû être démolie pour l’aménagement de la nouvelle place. Photo: Mano Reichling, ixedi.ch FOTOGRAFIE

Ce qui est aussi intéressant dans le processus de planification, c’est la décision de la commune de ne pas abandonner l’idée d’un parking souterrain sous la place du village, alors même que l’assemblée communale avait rejeté le projet. C’est assez délicat d’un point de vue démocratique.

Oui, peut-être, mais on avait remarqué lors de cette assemblée que personne n’était vraiment satisfait de la décision. Il était donc de la responsabilité de la commune de partir de là et de prendre les choses en main – et ce d’autant plus que le premier plan d’affectation de détail adopté n’était tout simplement pas
convaincant en termes d’aménagement. Il fallait du courage pour prendre un chemin un peu inhabituel et laisser reposer dans un premier temps le plan d’affectation adopté. Mais on peut aussi nous reprocher d’avoir agi de la sorte.

Est-ce que ce fut la phase la plus délicate de tout le processus?

Oui, assurément. Il est toutefois intéressant de noter que personne ne s’est alors adressé à la commune pour demander pourquoi la réalisation du premier plan d’affectation n’avançait pas. Après l’assemblée communale, nous avons discuté d’autres variantes de projet. La place du village était un projet crucial pour Bassersdorf et c’est pour cette raison qu’il a été juste de faire tous ces détours.

«Après le premier plan d’affectation de détail, il était nécessaire d’agir tactiquement. Nous devions réfléchir de façon stratégique pour réaliser notre objectif, à savoir une place de village vivante avec une bonne offre d’approvisionnement pour Bassersdorf.»
Doris Meier-Kobler, présidente de la commune de Bassersdorf

Les négociations avec la Migros ont également été décisives. Cette dernière ne voulait plus construire au centre, mais près de la gare. Lorsque la commune a modifié son règlement sur l’aménagement du territoire et les constructions de façon à interdire sans autre forme de procès des centres d’achat dans des zones industrielles et artisanales, cela a fait la une des journaux. Là aussi, la manière de faire était peu orthodoxe.

Nous devions agir et penser en termes d’aménagement du territoire. D’un côté, il fallait tenir compte de l’approvisionnement et de l’autre de la situation en termes de circulation. Un centre d’achat près de la gare aurait signifié encore plus de voitures et de camions dans le centre de Bassersdorf. Nous savions que si nous n’agissions pas, nous aurions dû accepter la demande d’autorisation de construire de la Migros, qui était alors encore conforme à la zone. En même temps, nous savions que nous n’aurions plus été en mesure de maîtriser le problème du trafic. Notre décision a bien sûr fâché des propriétaires de bienfonds qui auraient bien aimé vendre leur terrain près de la gare. Mais c’est bien là la difficulté de l’aménagement du territoire: jusqu’où faut-il réguler et où faut-il laisser faire? Pour éviter des développements problématiques, il est parfois nécessaire d’agir. La commune peut y parvenir plus facilement si elle arrive à créer une situation gagnant-gagnant avec les partenaires concernés.

Comment avez-vous finalement réussi à non seulement faire en sorte que la Migros revienne vers le centre, mais aussi à associer la Coop au projet?

La Migros n’était pas non plus vraiment satisfaite par le premier plan d’affectation spécial pour la place du village. Nous avons mené des nouvelles discussions, au cours desquelles j’ai appris que la Migros et la Coop préfèrent des sites où elles sont voisines. À partir de là, nous avons continué à réfléchir sur le projet de place et à chercher d’autres partenaires; c’est ainsi que la Coop est entrée en jeu. La commune a pu alors élaborer un nouveau mandat d’étude avec cette dernière et la Migros.
En tant que commune, il ne faut pas avoir peur de formuler son point de vue aussi souvent que nécessaire; nous avons pu mener des bonnes discussions d’égal à égal avec nos partenaires.

Le rond-point du Löwen relie trois rues principales et forme un important nœud de circulation tout près de la nouvelle place (située dans le dos du photographe sur la droite). Photo: E. Van der Werf, EspaceSuisse

Qu’est-ce qui a été finalement décisif, votre tactique ou un heureux concours de circonstances?

Après le premier plan d’affectation de détail, il était nécessaire d’agir tactiquement. Nous devions réfléchir de façon stratégique pour réaliser notre objectif, à savoir une place de village vivante avec une bonne offre d’approvisionnement pour Bassersdorf. Les membres de la commune exercent différentes
professions et leurs réseaux ont naturellement été très utiles lors des discussions. La commune doit étroitement soigner son réseau. Il est très important qu’elle joue un rôle actif.

Bassersdorf va devoir bientôt faire face à d’importants projets d’infrastructures. Quels enseignements avez-vous tirés de la planification du centre?

La commune devrait disposer rapidement d’une décision de principe de la population. C’est comme lorsqu’on construit une maison: si j’ai les fondations, je peux bâtir le reste. Si je commence par le toit, je ne sais pas ce qui se passera ensuite sous celui-ci. Lorsqu’on se demande de quoi la commune a vraiment besoin, les idées et les besoins peuvent rapidement différer. Il est donc important de toujours discuter des variantes et de ne pas trop se fixer sur un point dès le début. Il s’agit ensuite de clarifier ce que la majorité de la population souhaite vraiment. Une commune doit le savoir avant de commencer à étudier les détails d’un projet.

Interview: Monika Zumbrunn, EspaceSuisse

Inforum 3/2019: Zoom sur Bassersdorf ZH

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