Comment améliorer la qualité des zones d’activités

La localité de Rüti bei Büren est inscrite à l’ISOS, l’Inventaire fédéral des sites construits d’importance nationale à protéger en Suisse. La zone industrielle et artisanale de l’Archmatte, au nord de la commune, n’y fait toutefois l’objet d’aucun éloge. Situé à quelques pas du noyau villageois, le périmètre connaît un intense développement. Si aucun conflit n’est apparu jusqu’ici, c’est qu’un masterplan et un plan de quartier y assurent un haut niveau de qualité architecturale.
Rémy Rieder, Géographe

Belle localité du Seeland bernois, Rüti bei Büren est située au sud de Granges SO, sur la rive méridionale de l’Aar. Deux lignes de bus desservent ses deux arrêts à la cadence horaire, jusqu’à minuit. Au centre du village clapote le cours renaturé du Rütibach, majoritairement bordé de bâtiments historiques bien conservés. Cette impression positive se confirme quand on lit la fiche de l’ISOS: «Exemple rare, dans la région, de village construit autour d’un ruisseau.» L’inventaire attribue au «noyau villageois rural» des qualités spatiales et architecturales particulières, ainsi qu’un objectif de sauvegarde A – le plus élevé.

Bien sûr, Rüti possède aussi des endroits moins charmeurs, mais nécessaires sur le plan économique. Parmi ceux-ci figure, au nord de la localité, la zone industrielle et artisanale de l’Archmatte. Entre les deux s’étend une bande de terres cultivables qui permet de maintenir une vue dégagée sur le village. Comme le relève l’ISOS, il est primordial que ces surfaces d’assolement soient préservées et que les constructions industrielles ne se rapprochent pas du village – même si elles ne nuiraient pas tant au site construit proprement dit qu’à «la plaine de l’Aar, restée en grande partie intacte».

Caption
Le village de Rüti bei Büren est un site construit d’importance nationale inscrit à l’ISOS. Photo: R. Rieder, EspaceSuisse
Caption
La zone industrielle et artisanale de l’Archmatte est séparée du centre de la localité par une ceinture verte que l’ISOS préconise de maintenir libre de constructions. Photo: R. Rieder, EspaceSuisse

Ça bouge à l’Archmatte

La dernière version de la fiche de l’ISOS consacrée à Rüti date de 1994. À l’époque, seule une poignée d’entreprises s’étaient implantées à l’Archmatte, au milieu des champs. La fonction industrielle du périmètre se signalait surtout par le grand dépôt de mazout que géraient trois entreprises locales. Pour répondre aux besoins de ces dernières, le règlement de construction applicable au site a été, au fil des années, adapté à plusieurs reprises. En 1994, le secteur était encore divisé en deux zones d’activités (A2, A3) régies par des dispositions spécifiques en matière de hauteur, de longueur, d’orientation et de nombre de niveaux des bâtiments. Par ailleurs, la commune avait édicté, pour une grande parcelle non bâtie, une zone à planification obligatoire. Enfin, un plan de quartier régissait l’équipement de toute la zone industrielle et artisanale.

Ce cadre juridique complexe n’a pas empêché l’une des entreprises qui exploitait le parc à citernes, la Thommen AG, de prospérer. «Au départ, nous avons connu quelques années difficiles, se souvient Franz Christ, CEO de l’actuelle Thommen-Furler AG. Mais notre stratégie s’est révélée payante» (voir aussi «La parole à»). Autour de 1990, la société a délaissé la vente de mazout pour fabriquer et commercialiser des produits chimiques et recycler des déchets industriels et spéciaux – ce qu’elle fait encore aujourd’hui. Pour ce faire, elle occupe, sur le seul site de Rüti bei Büren, quelque 275 personnes. Cette évolution a eu de fortes répercussions sur l’Archmatte.

La zone d’activités de l’Archmatte se situe un peu à l’écart, au nord du noyau villageois inscrit à l’ISOS. Source: Office fédéral de topographie swisstopo

Le succès de l’entreprise a entraîné des besoins accrus en surface. La direction a donc peu à peu incorporé à la société diverses entreprises et biens-fonds voisins et développé son site au gré des besoins. En 2010, la Thommen-Furler AG occupait toute la zone située au nord-est de l’Industriestrasse, soit plus de 53’000 mètres carrés. Il lui manquait toutefois une vision globale pour transformer de façon flexible l’ancien parc à citernes en une grande entreprise moderne.

Un masterplan pour planifier l’avenir

Fin 2010, le conseil d’administration a chargé le groupement formé de Lanz Architekten, Bauzeit Architekten et Panorama AG d’élaborer, pour l’entreprise, un instrument de pilotage
stratégique. Objectif: repenser l’exploitation et mettre les intentions de développement de la société en accord avec le cadre réglementaire en vigueur. Résultat attendu: un masterplan (schéma directeur). La tâche était exigeante, car le futur plan devait à la fois permettre de garantir le respect des exigences en matière d’aménagement du territoire, d’illustrer les possibilités de développement par étapes, de prendre des décisions de façon flexible et d’ancrer le développement souhaité dans la prochaine révision du plan d’aménagement local.

Le masterplan d’origine prévoyait de localiser le stationnement du site industriel sur des surfaces d’assolement préalablement classées en zone à bâtir (en rouge). Source: Thommen-Furler AG

La réglementation en vigueur se révélait source de difficultés. «Les multiples dispositions applicables empêchaient une réorganisation globale de l’exploitation», explique Kevin Stucki, aménagiste du bureau Panorama. Le masterplan devait donc d’abord permettre de clarifier la situation. «Nous l’avons d’emblée conçu de manière à ce qu’il définisse les grands principes et puisse servir de base à un plan de quartier cohérent et axé sur le long terme.» Il en a résulté un contenu assez détaillé. Le masterplan tenait compte des instruments de planification existants et formulait des propositions pour un développement par étapes de l’entreprise. En outre, il définissait déjà des principes concernant la végétation du site et l’orientation, les matériaux, les couleurs et l’intégration paysagère des constructions. Enfin, il montrait que, pour assurer un développement optimal de l’entreprise, il fallait déplacer le stationnement et classer de nouveaux terrains en zone à bâtir entre les bâtiments existants et la Solothurnstrasse – soit précisément sur les surfaces d’assolement dont l’ISOS préconisait la préservation.

Caption
Theodor Bösiger est membre de l’exécutif communal de Rüti bei Büren depuis 2013 et président de la commune depuis trois ans. Il a suivi l’élaboration du plan de quartier jusqu’à son approbation. Photo: R. Rieder, EspaceSuisse

La commune entre en jeu...

En 2012, Franz Christ et le groupement de mandataires ont présenté pour la première fois le masterplan à l’exécutif communal de Rüti, qui s’est montré très réceptif. Comme le relève aujourd’hui le président de la commune, Theodor Bösiger: «Pour nous, c’était un immense avantage que l’entreprise ait mené des réflexions aussi poussées sur son avenir et son développement.» En énonçant aussi clairement ses intentions et objectifs, l’entreprise avait facilité le travail des autorités locales. «Tout le monde ne bénéficie pas d’une base pareille», se réjouit le président. Dans de telles circonstances, l’exécutif communal était tout disposé à soutenir la société dans ses projets. En août 2013, il a, en tant qu’autorité de planification compétente, chargé le même groupement de mandataires d’élaborer, sur la base du masterplan, le plan de quartier «Industrie Ost».

Dans le masterplan remanié, le stationnement est intégré aux nouveaux bâtiments projetés et les nouveaux classements sont drastiquement réduits. Source: Thommen-Furler AG

Afin de donner à ce projet d’envergure une assise aussi large que possible, les mandataires ont tout de suite cherché le dialogue avec les principaux acteurs concernés. Ils ont pris contact avec l’Office cantonal des affaires communales et de l’organisation du territoire (OACOT) pour clarifier les exigences à respecter et les questions de procédure, et ils ont organisé un atelier dans le cadre duquel commission d’urbanisme, services cantonaux, associations locales, organisations de protection de la nature et propriétaires concernés ont pu s’exprimer sur les principaux aspects à prendre en compte. Par la suite, la commune a régulièrement organisé des séances destinées à informer et à faire participer la population. Bref: un processus exemplaire. 

... mais la LAT 1 change la donne

Quand la première étape de révision de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LAT 1) est entrée en vigueur, le 1er mai 2014, les études en cours ont subi un brusque coup d’arrêt. En effet, le moratoire sur les zones à bâtir empêchait tout nouveau classement jusqu’à ce que le plan directeur cantonal ait été adapté et que la loi cantonale sur les constructions ait été complétée par des dispositions relatives à la compensation de la plus-value.

En 2016, le canton de Berne était l’un des premiers à disposer d’un plan directeur conforme à la LAT révisée. Theodor Bösiger se souvient: «Après le moratoire, nous avons plusieurs fois discuté de notre projet de plan de quartier avec le canton. Mais nous nous sommes heurtés à un mur.» Le hic: il n’était plus possible de classer des surfaces d’assolement en zone à bâtir sans raison majeure. Et si un motif suffisant existait, l’impératif du développement vers l’intérieur exigeait que les surfaces en question soient compensées par d’autres surfaces équivalentes et que l’urbanisation des terrains nouvellement classés présente une forte densité. De fait, il s’avérait impossible de procéder au classement prévu par le masterplan, car la zone d’activités se situait en dehors des pôles de développement cantonaux et n’était pas adéquatement desservie par les transports publics.

De plus, l’exigence d’une coordination à l’échelle régionale n’était pas remplie, et l’affectation des surfaces concernées au stationnement n’était plus justifiable. Il fallait donc remanier le masterplan et le concept de plan de quartier, et faire en sorte que le développement envisagé soit plus économe en surface.

Caption
Les nouvelles constructions répondent à des prescriptions contraignantes en matière de dimensions, d’orientation, de matériaux et de couleurs. Elles doivent aussi s’intégrer de façon satisfaisante dans la plaine de l’Aar. Photo: Thommen-Furler AG

La clé du succès: un peu de jeu et beaucoup d’efforts

Par la suite, une grande partie du stationnement privé a pu être localisée dans la zone d’activités existante, au rez-de-chaussée des bâtiments administratifs projetés, ce qui a fortement réduit les besoins en terrains supplémentaires. Il restait malgré tout nécessaire d’agrandir légèrement la zone en empiétant sur les surfaces d’assolement. Il a pour cela fallu fournir des justificatifs détaillés, pour lesquels le canton n’avait pas encore publié de guide. «Nous étions souvent les premiers à adresser au canton ce genre de questions», se remémore Theodor Bösiger. Et de poursuivre, conciliant: «Parfois, nous ne voyions plus comment avancer. Mais le canton a reconnu qu’une certaine marge de manœuvre était nécessaire pour trouver des solutions satisfaisantes, et il nous a beaucoup aidés.»

Ainsi, comme Rüti ne disposait pas des surfaces nécessaires pour compenser le classement des surfaces d’assolement en zone à bâtir, la promotion économique du canton a informé l’exécutif communal que Bellmund, autre commune du Seeland, venait de dézoner sans compensation de précieuses terres agricoles. La commune de Rüti en a dès lors acquis 12’000 mètres carrés, ce qui lui a permis – après avoir fait attester que les terres présentaient la qualité requise – de compenser le classement de ses propres surfaces d’assolement et, ainsi, d’agrandir le périmètre de l’entreprise en direction de la Solothurnstrasse dans le plan de quartier révisé. Et comme cet agrandissement améliorait le raccordement de la zone d’activités au réseau de transports publics, sa légitimité s’en trouvait encore renforcée. 

Le plan de quartier «Industrie Ost» reprend le contenu du masterplan en lui conférant force obligatoire pour les propriétaires. Au sud-est, un alignement obligatoire (ligne rouge vers S IV) garantit que les nouvelles constructions constitueront une limite claire et que la vue sur le village sera préservée. Source: commune de Rüti bei Büren

Qui plus est, le plan de quartier tient désormais mieux compte de l’ISOS. Il prévoit en effet, vers le sud, un alignement obligatoire défini en fonction des bâtiments sis hors du périmètre de l’entreprise. Les façades des nouvelles constructions érigées le long de cet alignement devront donc s’implanter juste sur cette ligne, ce qui permettra de délimiter clairement la zone d’activités et de maintenir une vue dégagée sur le village. Par ailleurs, l’article 15 du règlement du plan de quartier précise que tous les projets de construction doivent être soumis à un collège d’experts chargé d’en évaluer la qualité et de veiller à leur bonne intégration dans la plaine de l’Aar. Une disposition fort louable, qui garantit la qualité architecturale que le masterplan visait déjà à promouvoir. Les bâtiments qui ont déjà été construits conformément à ce même masterplan se révèlent à la hauteur des ambitions affichées, qu’il s’agisse du sobre immeuble administratif G01, de la halle de stockage et de recyclage G07 ou du nouveau dépôt à citernes G11 (voir les photos ci-dessus). L’avenir se présente donc sous de bons auspices.

«Pour la commune, c’était un immense avantage que l’entreprise ait mené des réflexions aussi poussées sur son avenir et son développement.»
Theodor Bösiger, président de la commune de Rüti bei Büren

Le plan de quartier «Industrie Ost» est entré en vigueur fin 2020. Son élaboration s’est étendue sur dix ans. Elle a requis d’innombrables discussions et réunions et donné lieu à deux séances de participation publique et à deux examens préalables de la part du canton. Mais l’effort en valait la chandelle. «Nous sommes très satisfaits du résultat», résume Theodor Bösiger. L’assemblée communale a adopté le plan de quartier à une large majorité et le canton l’a approuvé sans réserve. «Tout le monde a dû gérer des moments difficiles. Il a fallu garder la tête froide! Et l’expérience a eu son prix pour tout le monde», admettent cependant les uns et les autres. Qui sait: peut-être le cas de Rüti bei Büren deviendra-t-il aussi connu, dans les milieux professionnels, que celui du Rüti zurichois. Comme exemple de démarche permettant d’améliorer la qualité des zones d’activités – y compris grâce à l’ISOS.

La parole à ... Franz Christ 

Caption
Franz Christ est depuis 1990 CEO de la société Thommen-Furler AG. Cet ancien ingénieur a fait de la petite entreprise des débuts une société de 375 employés active dans toute la Suisse, notamment dans la fabrication et la commercialisation de produits chimiques et dans le recyclage de déchets industriels et spéciaux.

Franz Christ, le village de Rüti bei Büren BE n’est pas connu pour être la Mecque de l’industrie. Pourquoi votre entreprise s’est-elle tout de même établie ici?

J’explique toujours aux visiteurs étrangers qu’il existe en Suisse une «banane économique» allant du lac de Constance au lac Léman. C’est là que se déroule l’activité économique du pays. Rüti bei Büren est à environ 200 kilomètres de chacun des deux lacs. Nous sommes donc au centre de la banane économique suisse. C’est une excellente situation!

Depuis bientôt dix ans, vous vous développez sur la base d’un masterplan (schéma directeur). C’est une démarche inhabituelle. Pourquoi vous être imposé un tel cadre?

Notre site de Rüti bei Büren présente une superficie de près de 80’000 mètres carrés. Avec une telle surface, il s’imposait de définir un cadre clair en amont. Il nous fallait aussi assurer notre avenir. Pour nous, la confiance des clients est quelque chose de vital. Il faut donc que nous puissions croître. Une entreprise qui ne peut pas montrer qu’elle se développe n’a pas d’avenir à long terme. Avec ce masterplan, nous avons pu communiquer de façon concrète sur la manière dont nous souhaitions développer l’entreprise et selon quelles conditions-cadres. Cela a tout de suite inspiré confiance à nos clients.

Le masterplan comportait déjà des prescriptions en matière de couleurs, de matériaux et d’aménagement des abords. Source: Thommen-Furler AG

Le masterplan n’est pas contraignant pour les propriétaires. Pourquoi le mettez-vous tout de même en œuvre?

Nous utilisons ce plan comme document de base et comme instrument de planification interne. De nombreuses entreprises se contentent de réaliser des études de marché et des plans d’affaires. Mais un bon business-plan doit reposer sur un masterplan; c’est l’instrument qui permet le mieux de gérer dans le temps les ressources de l’entreprise en matière d’exploitation, de locaux et de logistique, tout en tenant compte des planifications de niveau supérieur. Nous ne sommes pas tout seuls ici: nous devons respecter des plans directeurs, des plans de zones, des programmes d’équipement et des plans de quartier.

Un business-plan ne peut porter ses fruits que s’il se fonde sur un masterplan montrant comment les projets pourront se réaliser dans le temps. C’est sur cette base que peuvent aussi se déterminer de façon fiable les investissements nécessaires. Il n’y a bien sûr jamais de sécurité absolue en matière de planification. Mais plus le cadre est clair, moins la mise en œuvre des projets pose de problèmes.

«Un bon business-plan doit reposer sur un masterplan.»
Franz Christ, CEO de la société Thommen-Furler AG

Depuis 2020, il existe un plan de quartier contraignant pour les propriétaires. Que cela implique-t-il pour le développement de votre entreprise?

Comme je le disais, le masterplan est un instrument de planification stratégique qui nous permet de définir comment concevoir notre avenir. Le plan de quartier, lui, définit le cadre juridique contraignant. En même temps, il indique que les projets prévus par le masterplan sont en principe réalisables. C’est pour nous garant de sécurité juridique.

Le plan de quartier vous a-t-il imposé certaines restrictions?

Le principal facteur de blocage a été la votation populaire sur la première étape de révision de la loi sur l’aménagement du territoire, la LAT 1, en raison du moratoire sur les nouveaux classements en zone à bâtir. Cette révision nous a coûté trois à quatre ans. Il a ensuite fallu mener plusieurs combats. L’un d’entre eux était lié au fait que, dans son plan directeur, le canton avait désigné plusieurs pôles de développement en dehors desquels il était très difficile – y compris donc à Rüti – de classer de nouveaux terrains en zone à bâtir et de réaliser des infrastructures supplémentaires. Pour une entreprise d’importance systémique comme la nôtre, c’était une situation épineuse. Nous avons dû revoir nos projets d’extension à la baisse et intégrer les places de stationnement prévues en surface à l’intérieur des bâtiments. Tout cela n’est fondamentalement pas négatif, mais c’était un vrai changement de paradigme, qui a trouvé sa traduction dans le plan de quartier. Cela aura entraîné pour nous des surcoûts compris, selon nos estimations, entre 3,5 et 4 millions de francs. Mais peu importe! Répartis sur les vingt prochaines années, ces coûts seront supportables. À part cela, je ne vois pas quelles restrictions nous aurions subies.

Un développement de qualité est aussi possible dans les zones d’activités: nouveaux bâtiments réalisés dans le secteur de l’Archmatte. Photo: R. Rieder, EspaceSuisse

Pas même du fait des mesures prévues dans le règlement du plan de quartier pour assurer la qualité des projets? L’article 15 veut par exemple qu’un collège d’experts indépendant examine tous les projets sous l’angle de leur effet esthétique, de leur traitement architectural et de leur intégration paysagère.

Mais c’est nous-mêmes qui l’avons proposé! Le masterplan indiquait déjà comment concevoir l’orientation des bâtiments et l’échelonnement des hauteurs, et comment les couleurs devaient s’harmoniser avec le Jura en arrière-plan. Ce genre d’aspects qualitatifs faisait dès le début partie intégrante du masterplan.

Vous aviez donc intégré tous ces aspects de votre propre chef dans le masterplan?

Disons que le masterplan allait déjà dans cette direction. L’implication du collège d’experts est simplement venue s’y ajouter dans le plan de quartier. Si nous procédons ainsi, c’est aussi parce que j’aime les beaux bâtiments. Même les constructions industrielles devraient être esthétiques. Au final, il faut que les bâtiments s’intègrent harmonieusement dans le contexte. Un bâtiment devrait aussi être une profession de foi – par exemple en faveur de l’utilisation du bois ou de l’intégration dans le site. Il est possible d’apporter des améliorations considérables avec des mesures relativement peu onéreuses. Quand quelque chose plaît aux gens, ils le regardent autrement. Dans ce sens, l’architecture contribue aussi à créer et maintenir la confiance.

Comment la collaboration avec la commune s’est-elle passée?

Le dialogue avec la commune a toujours eu lieu. Nous sommes assez bien intégrés dans le village et nous parlons aux gens même quand il n’y a ni masterplan ni plan de quartier à élaborer. Je me souviens qu’après la catastrophe de Schweizerhalle, la population se méfiait beaucoup de l’industrie chimique. Au début des années 1990, nous avons donc dû lutter contre des résistances massives. Un véritable mouvement s’est formé contre nous. Nous n’avons toutefois jamais interrompu le dialogue, et la situation s’est beaucoup améliorée au fil du temps.
Comme je le dis toujours: nous sommes à Rüti, nous resterons à Rüti, nous faisons partie intégrante de Rüti. Nous agissons en conséquence. Si une association locale a par exemple besoin de soutien, alors nous la soutenons dans la mesure où nous pouvons nous le permettre sur le plan économique – et jusqu’ici, nous l’avons pu.

Mais au final, il faut bien que le compte soit bon, même pour une entreprise de la taille de la vôtre. Est-ce le cas?

Toute entreprise doit surveiller ses comptes de très près. Depuis 2006, nous avons investi près de 130 millions de francs – pas seulement dans des bâtiments, mais aussi dans des véhicules, dans la prospection et dans des mesures de modernisation. Jusqu’en 2030, nous prévoyons d’investir encore près de 100 millions de francs, dont environ 60 dans des agrandissements et de nouvelles constructions. Cela n’est possible qu’avec la sécurité que confèrent le masterplan et le plan de quartier. Les premiers bâtiments réalisés selon le nouveau plan de quartier devraient être achevés d’ici 2023 – année où nous célébrerons nos cent ans d’existence.

«Il faut que les bâtiments s’intègrent harmonieusement dans le contexte.»
Franz Christ, CEO de la société Thommen-Furler AG

Ce serait une belle conclusion, mais nous n’avons pas tout à fait fini. De quoi êtes-vous aujourd’hui le plus fier?

Fier n’est pas le bon mot. Je me réjouis de ce qu’aucune des parties n’ait abandonné, en dépit de la révision de la LAT. La commune a cherché des solutions. Nous aurions aussi pu renoncer, mais nous nous sommes accrochés. Je me réjouis aussi beaucoup de l’accueil très positif que la commune a réservé à nos plans. Quant à la population, elle a toujours participé de façon constructive aux séances d’information publiques.
Ce climat favorable s’explique notamment par le fait que nous nous efforçons de faire des choses bien et que nous nous comportons correctement. Mais il faut aussi des autorités communales prêtes à porter un tel processus et à faire participer la population. De ce point de vue, le fait que le président de la commune et la secrétaire communale n’aient pas changé en cours de route s’est révélé très bénéfique.

Recommanderiez-vous une telle démarche à d’autres entreprises, même plus petites?

Si l’on veut développer une entreprise, il faut penser non seulement business-plan, mais aussi masterplan. Je recommande à toutes les entreprises d’établir des masterplans et de les tenir à jour, d’adapter leurs plans d’affaires et de les utiliser pour communiquer. Cela intéresse aussi les clients!

Entretien mené par Rémy Rieder

Inforaum 2/2021: z.B. Rüti bei Büren BE

Commentaires et suggestions
Nous contacter