Contexte
La ville de la Tour-de-Peilz s’étend au bord du lac Léman, entre Vevey et Montreux. En son centre, la Place des Anciens-Fossés, avec ses trois voies de circulation étroites, bordées par de nombreuses places de stationnement, a longtemps servi d’axe de transit entre l’avenue Édouard-Müller et la rue des Terreaux, situées à ses extrémités. En ajoutant le trafic engendré par la présence des écoles et l’activité liée aux commerces, la situation n’était pas très sécurisante pour les piétons.
Le lieu, qui manquait aussi cruellement de convivialité, est pourtant stratégique. Au nord-est, la place donne accès à plusieurs bâtiments scolaires (collèges Courbet, des Marronniers et des Mousquetaires) et à la salle communale des Remparts qui accueille divers spectacles et fêtes. Le temple, ainsi que des logements, bureaux et commerces, dont les grands distributeurs Coop et Migros, la délimitent au sud-ouest. Le réaménagement de l’ensemble du centre-ville, comprenant la création d’un parking souterrain, avait déjà fait l’objet d’un concours d’architecture à la fin des années 1980. Cet ambitieux projet est cependant resté dans les tiroirs. En 2005, Migros projette de reconstruire son bâtiment commercial et souhaite y intégrer un parking souterrain. C’est le début d’une nouvelle réflexion pour le réaménagement de la place des Anciens-Fossés.
Évaluation
Situation
Au cœur de La Tour-de-Peilz, la Place des Anciens-Fossés s’étire parallèlement à la route cantonale. La proximité de cette dernière lui permet de bénéficier d’une bonne accessibilité, tant par les transports individuels que publics. En effet, deux arrêts desservis par quatre lignes de bus se localisent le long de cette route, à moins de 100 mètres de la place. La gare CFF se trouve à environ 200 mètres au sud, avec une cadence de deux trains par heure dans les deux sens. Deux liaisons piétonnes transversales permettent de relier le quartier de la gare au centre et aux rives du lac. La place dessert divers bâtiments publics, ainsi que de nombreux logements, bureaux et commerces.
Commune
Le projet initial de la Migros, qui prévoyait un parking sous son magasin, ne satisfaisait pas la ville. Sous son impulsion, et en collaboration avec la Coop qu’elle intègre à la démarche, plusieurs variantes de localisation d’un parking souterrain sont analysées. L’objectif est aussi de tranquilliser le centre-ville, comme prévu dans le plan directeur communal (PDcom) de 2000.
En 2011, la ville approuve la demande de crédit pour la construction d’un parking sous la place des Anciens-Fossés, dont les coûts sont répartis entre les trois partenaires. Dans la foulée, elle lance un concours pour l’aménagement paysager de la place, en vue de la transformer en zone de rencontre 20 km/h.
Avec le projet lauréat du concours, le périmètre s’est étendu aux espaces adjacents à la place des Anciens-Fossés, à savoir la rue des Remparts dans son entier, le jardin du collège de Charlemagne et la place du Temple. La ville y a également intégré la place des Terreaux, située derrière le Collèges des Mousquetaires, dont les 111 places de stationnement ont été supprimées pour créer un espace mixte réservé aux manifestations et aux jeux sportifs.
Chiffres clés
- Population de la commune: 11'900 (2019)
- Surface du site: 14'400 m2 (périmètre élargi)
- Coûts d'investissements: 5,8 millions de francs (parking souterrain non compris)
- Niveau de qualité de desserte par les TP: B – bonne desserte
- Type de commune OFS: commune urbaine résidentielle d'une agglomération moyenne
Propriété
Tous les terrains étant communaux, il n’a pas été nécessaire de procéder à des expropriations. Le réaménagement de la place s’en est donc trouvé facilité. Pour la construction du parking souterrain, des parcelles du domaine public ont été modifiées en terrain privé communal, et un droit de superficie de 50 ans a été accordé à la nouvelle société anonyme du parking des Remparts. La ville participe par ailleurs pour un tiers au capital action de cette société, avec Migros et Coop.
Processus
L’aménagement de la place a fait l’objet de mandats d’étude parallèles auprès d’architectes-paysagistes. En plus du jury d'évaluation, une commission d’experts externes a également été instaurée, composée de membres du Conseil communal, d’un habitant et d’un commerçant de la place. Elle a été chargée d’analyser le cahier des charges et d’évaluer les dossiers du concours, puis le projet.
Celui-ci a été présenté deux fois à la population, en septembre 2012 puis en mai 2013. En septembre de la même année, le conseil communal a octroyé le crédit destiné au financement de ce projet. Les travaux, commencés début 2014, ont duré 18 mois. Et en juin 2015, entre concerts, animations et dégustations, la place a été inaugurée de manière festive par les Boélands et Boélandes.
Acceptabilité
La transformation de cet espace en zone piétonne était un des objectifs du PDcom. La population l’a globalement soutenue. La suppression des places de stationnement en surface a été totalement compensée par la création du parking souterrain. Afin d’éviter des nuisances répétées aux habitants, usagers et commerçants du quartier, les travaux d’aménagement de la place ont été réalisés en un seul chantier.
La place, devenue exclusivement piétonne, reste ouverte aux véhicules de livraison, et un quai de déchargement a été aménagé devant Coop et Migros, dont l’accès principal se fait désormais par la place.
Rentabilité
La ville n’avait pas d’objectif de rentabilité en lançant les travaux de requalification de cet espace public. Elle souhaitait proposer, sur l’ensemble de cette zone centrale, un aménagement cohérent et de qualité. Estimé à 1,5 millions de francs en 2011, le projet a finalement été budgété à 5,8 millions. L’augmentation des surfaces à aménager (passant de 9'000 à 14'000 m2) et le choix de matériaux de qualité, mais aussi certaines erreurs initiales d’estimation, sont à l’origine de cette forte hausse des coûts.
Au vu de la qualité du projet, et en comparaison avec d’autres aménagements de places publiques, ces frais (soit 415 francs/m2) restent dans la moyenne inférieure. En supprimant les nuisances liées au trafic, cet aménagement a par ailleurs augmenté la valeur d’usage des logements situés le long de la place. Il a également revalorisé les commerces et permis au restaurant d’ouvrir une terrasse.
Qualité
L’ancien espace routier bitumineux s’est transformé en une longue place publique piétonne, recouverte de grands pavés en granit alternant les teintes de gris. En souvenir de l’ancien fossé, un caniveau, en granit également, souligne la place sur toute sa longueur. Des surfaces arborées et jardinées, limitées par des murets en béton dans lesquels sont intégrés des bancs en bois, permettent de séquencer la place en plusieurs sous-espaces, aux atmosphères différentes. La placette du Temple accueille le marché hebdomadaire et autres manifestations. Avec ses jets d’eaux discontinus, elle fait le bonheur des enfants en été.
Sur la placette centrale, un couvert intègre l’accès piéton au parking souterrain, ainsi que des emplacements pour les deux-roues. Devant la salle des Remparts, une troisième placette permet de recevoir des manifestations culturelles. La limite physique entre le collège des Marronniers et la place a été effacée pour créer un espace continu : dans le prolongement de la cour et du terrain de basket, différents jeux, conçus en collaboration avec le Musée du Jeu de la ville, s’alignent entre les érables, invitant à la détente et au partage.
La qualité de cette nouvelle place a par ailleurs été reconnue par Mobilité piétonne suisse, qui lui a attribué une distinction dans le cadre du Flâneur d’Or 2017.
Densité
Le réaménagement de cette place ne visait pas à accroître la densité, bâtie ou humaine, autour de celle-ci, mais à redonner vie au centre-ville. Et l’objectif est largement atteint.
La place, autrefois accaparée par les véhicules, offre maintenant une diversité d’usages et est investie par les élèves, les riverains, les travailleurs ou les clients des commerces. Les bancs sont utilisés pour discuter, se délasser, ou pour casser la croûte durant les pauses de midi. Des manifestations, expositions, spectacles y sont organisés, attirant la population et les visiteurs. Tous ces usages augmentent la densité sociale et fonctionnelle du lieu.
Résumé
Grâce à la suppression du stationnement en surface, la place, imaginée au départ comme une zone de rencontre 20, s’est transformée en une zone exclusivement réservée à la mobilité douce. La réalisation de places publiques de qualité est un réel atout pour les centres-villes. Elles permettent de garder des espaces de respiration au sein du milieu bâti, d’offrir des surfaces pour différents types d’évènements, et de proposer des lieux de rencontre et de convivialité.
Points forts selon l’avis d’EspaceSuisse
- Avec la création du parking souterrain et la suppression du stationnement en surface, un espace routier a été totalement transformé en un espace exclusivement réservé à la mobilité douce.
- Grâce aux éléments de végétation, la place a été structurée en plusieurs sous-espaces pour permettre une diversité d’usages.
- Malgré le surcoût engendré, l’extension du périmètre initial et l’utilisation de matériaux de qualité a permis de créer un projet cohérent, esthétique et durable.
Informations supplémentaires
- 2011. Préavis municipal n° 11/2011. Ville de La Tour-de-Peilz.
- 2012. Préavis municipal n° 11/2012. Ville de La Tour-de-Peilz.
- 2013. Préavis municipal n° 11/2013. Ville de La Tour-de-Peilz.
- 2017. Dossier de candidature Flâneur d’Or 2017. Hüsler & Associés. Lausanne.
- 2017. Rapport du jury «Flâneur d’Or 2017». Mobilité piétonne Suisse. Zurich.
Date de l'évaluation par EspaceSuisse: mars 2021