Un développement vers l’intérieur avec une plus-value: le parc de Brünnengut
- Un espace public qui offre un aménagement de grande qualité, destiné à des activités socioculturelles les plus diverses. Le parc a augmenté la qualité du milieu bâti dans l’espace urbain.
- Le parc est la pièce maîtresse du quartier de Brünnen: il intègre un domaine historique, des espaces naturels à découvrir et d’autres dévolus au sport. C’est un espace vert au-dessus de l’autoroute.
- Dès le début, le parc faisait partie d’un projet de développement urbain.
- Les 30 propriétaires fonciers concernés se sont mis d’accord sur une réunion parcellaire pour permettre la création du parc.
- Une compensation de la plus-value par voie contractuelle: avec le nouveau quartier, les propriétaires fonciers ont bénéficié d’une augmentation des possibilités de construire. En compensation, la Ville a joui de prestations en nature (par ex. terrain offert pour le parc).
- La Ville a développé un concept d’affectation en collaboration avec la population, c-à-d avec les usagers potentiels du parc, comme le club de football et les associations de quartier.
- Une fondation d’utilité publique s’engage à faire vivre le parc et propose des manifestations, loue des locaux pour l’organisation de fêtes. Elle est accessible par le biais d’un guichet d’information virtuel.
--> Au sujet de la planification du parc: voir l'interview de Christoph Rossetti au bas de cette page
«En été, ici, c’est bondé», s’exclame Nathalie Herren, directrice jusqu’en février 2016 de la commission de quartier Bümpliz-Bethlehem. Elle a grandi à Bethlehem, un quartier de 33'000 habitants, à l’est de Berne. Nous n’étions pas les seules à traverser le parc, en cette matinée d’hiver plutôt froide. Un père de famille jouait avec ses enfants sur une place de jeux colorée, tandis qu’un jeune garçon s’élançait du haut du toboggan. Sur la piste cyclable et piétonne, une joggeuse dépassait une personne en chaise roulante, avant d’être elle-même rattrapée par un cycliste. Ce dernier a actionné sa sonnette, bien qu’il fût visible de loin. Le chemin est en effet large et dépourvu d’obstacles.
Bordé par des symboles du logement social
Même les non-Bernois connaissent le centre commercial de Westside, situé à quelques minutes à pied du parc. Ou ils sont amateurs d’architecture et ont visité les grands complexes tout proches de Tscharnergut et de Gäbelbach, dont les tours d’habitation datant des années 1950 et 1960 attirent, aujourd’hui encore, architectes et urbanistes. Dès sa construction, la cité de Tscharnergut a marqué les esprits, c’était «du jamais vu» en Suisse: une ville-satellite composée de tours, de rangées de bâtiments sur plusieurs étages et de maisons mitoyennes.
Ces grands ensembles bâtis, pionniers du logement social de l’après-guerre, jouxtent le parc, qui les relie au tout jeune quartier de Brünnen situé de l’autre côté, principalement habité par la classe moyenne. Derrière, s’étend la campagne avec, au loin, une ferme. On en trouve également une dans le parc, mais elle n’est plus exploitée. Elle abrite désormais les locaux du FC Bethlehem, des logements ainsi que des toilettes publiques. Avec l’autoroute A1 qui passe directement en-dessous de ses terres, la ferme a un petit air anachronique. Le grondement des moteurs à l’entrée du tunnel s’entend bien au-delà du parc.
Ville et pays unis
Pour Nathalie Herren, Bern-Bethlehem réunit ville et campagne, urbanité et tradition. C’est vrai aussi pour le parc, qui abrite des éléments d’un domaine du 17ème siècle, qui lui a donné son nom. On y retrouve une maison de maître, une ferme, un pavillon et un jardin baroque. A une époque, la maison de maître était utilisée comme centre de redressement pour garçons pauvres et orphelins. Aujourd’hui, elle abrite une crèche.
La ville inclut la population dans la gestion du parc
À proximité, l’employé d’un programme d’occupation ramasse des déchets au moyen d’une pince. Ce service de nettoyage est mis sur pied en collaboration avec les quartiers, un principe important du parc: la Ville implique la population dans l’exploitation du parc. Ainsi, la Fondation B est responsable des activités socioculturelles. Elle coordonne les activités et les groupes d’intérêts dans le parc et gère un guichet d’information virtuel, appelé le «Guichet» et placé sous la responsabilité d’un habitant du quartier.
Cueillette de fruits dans le parc de la ville
Les habitants du quartier sont également très engagés dans le «jardin des travailleurs», comme les appelle Nathalie Herren. Il ne s’agit pas d’un jardin familial traditionnel, mais d’un potager dans lequel poussent des légumes, des baies et des fleurs. Ici, pas de cabanons de jardin, on travaille en groupe.
Les jardiniers urbains amateurs peuvent aussi mettre la main à la pâte et participer à la cueillette des fruits à la ferme et à la vieille grange. Une centaine d’arbres fruitiers à haute-tige ont été plantés, dont de vieilles essences, comme la variété de pommes «Berner Rose». C’est elle qui a par ailleurs donné son nom au projet lauréat des architectes paysagers David Bosshard (Berne) et Andreas Tremp (Zurich), qui ont remporté en 2006 le concours d’architecture pour l’aménagement du parc.
Pour les amateurs d’espaces plus cosy, le parc propose «le jardin des primevères», où la flore s’épanouit plus librement.
Des places de sport comme affectation de base
L’allée de tilleuls invite à la détente et à l’oisiveté. Elle borde trois côtés du parc et est jalonnée de nombreux bancs. Les tilleuls sont encore jeunes, il faudra attendre quelques années pour qu’ils prennent de l’ampleur et apportent l’ombrage escompté.
Mais aujourd’hui déjà, ils sont un emplacement de choix pour suivre les matchs et les entraînements du FC Bethlehem. Les terrains de sport ne sont pas délimités comme ils le sont généralement par de hauts grillages, mais par des gradins sur lesquels il est possible de s’asseoir. Même en hiver, des promeneurs s’y installent pour regarder les jeunes gens «taper dans le ballon».
Les entraînements du club de football ont lieu le soir. Des matches sont disputés. «Les terrains de sport constituent l’affectation de base», explique Nathalie Herren. Les architectes paysagistes les ont conçus de manière à être bien accessibles. Le parc est spacieux et recèle de coins plus isolés où les jeunes aiment se retrouver. Il y a une pelouse avec des emplacements pour les grillades. À la demande des habitants du quartier, un secteur a été dédié au traditionnel grand feu du 1er août.
Au bord du Brünnenpark, les travaux de construction du complexe scolaire de Brünnen se poursuivaient au début de l'année 2016 ; au milieu de l'année, le nouveau bâtiment a été érigé. Les écoliers pourront également animer le parc.
Fiche signalétique du parc Brünnengut
Atouts
- 5,5 hectares d’espaces verts ouverts au-dessus de l’autoroute
- Part de la zone de développement de Brünnen (1991/1999: projet de planification accepté par la population)
- Offre de loisirs, de sport et de détente (espace pour manifestations, terrains de football, allée des tilleuls, entre autres)
- Centre de rencontre socioculturel regroupant plusieurs quartiers (12'000 habitants)
- Intégration d’un domaine historique (maison de maître, ferme, pavillon, jardin baroque)
- Verger de 100 arbres, jardins potagers pour groupes, surfaces écologiques
- Entretien commun par la Ville et les habitants du quartier
- Chemins piétons et pistes cyclables (accès autorisé et limité pour les livraisons)
- Bonne desserte par les transports publics (tram, bus, arrêt RER Brünnen-Westside)
La parole à ... Christoph Rossetti
Monsieur Rossetti, le parc de Brünnengut est-il un bon exemple d’aménagement de parc?
Oui, je suis satisfait du résultat. C’est un bel endroit, l’aménagement y est réussi. Le parc est bien utilisé et à différents niveaux. Des activités culturelles y sont par exemple organisées. Un jour, un artiste a installé une boîte aux lettres dans laquelle les habitants du quartier pouvaient déposer leurs idées. L’artiste les a ensuite réalisées dans le parc.
À quoi ressemblait ce lieu avant la création du parc?
Le domaine de Brünnengut appartenait à 30 propriétaires. Exploité à des fins agricoles, ce terrain était pourtant constructible. Il a été traversé par l’autoroute, ce qui a occasionné d’importantes nuisances sonores. Il y avait aussi les demeures historiques de Brünnen: une maison de maître, une ferme, un pavillon et un jardin d’agrément, ainsi que des abris à moutons et d’autres constructions. Le FC Bethlehem s’entraînait sur des chaumes, sans éclairage.
D’où est née l’idée de faire un parc?
Le parc faisait partie du projet de développement urbain de Brünnen. Il fallait y construire un nouveau quartier avec des logements. En 1991, les habitants de la Ville de Berne ont voté en faveur de la mise à disposition d’une surface pouvant accueillir la construction de 1'000 logements. L’objectif de ce nouveau projet était de créer un espace public pour l’ensemble du quartier de Berne-Bethlehem. Dans cette optique, l’Office de l’urbanisme de la Ville de Berne a proposé un centre socioculturel pour tous les quartiers situés autour de Brünnengut. Le domaine devait être un élément du parc, relier le nouveau quartier de Brünnen aux anciens quartiers, et être à la disposition de près de 12'000 habitant-e-s.
À quelles affectations pensait-on?
Nous avons identifié les besoins des habitant-e-s du quartier. En collaboration avec les différents groupes d’intérêts comme la commission de quartier Bümpliz-Bethlehem, l’association du domaine de Brünnen, le FC Bethlehem et la Conférence des présidents des associations de quartiers de Bethlehem, la Ville a élaboré en 1994/965 le «concept d’affectation Brünnengut». Celui-ci indiquait qui pouvait utiliser le parc et comment, qui devait être responsable des différentes activités et les gérer.
Des besoins ont été intégrés au parc, comme une place pour les festivités du 1er août, un bâtiment à louer pour des fêtes privées, des installations sportives, des places de jeux et de détente, des jardins potagers. L’ «esprit» du parc a inspiré le concept d’affectation: un parc pour tous, qui ne serve pas que certains intérêts. Un parc qui serait géré en collaboration avec les habitants du quartier. C’est dans cette optique qu’a été mise sur pied une plate-forme – aujourd’hui le « Guichet» – afin de coordonner les différentes activités et agir comme relais.
La mobilité a aussi été un sujet de discussion. Ce ne fut pas facile, mais nous sommes parvenus à nous mettre d’accord sur le fait de faire un parc exempt de places de stationnement, tout en ajoutant quelques emplacements près de l’arrêt du tram, à côté du parc.
Les affectationes du parc Brünnengut
Le concours d’architecture n’a pourtant été lancé qu’en 2006 …
Oui, à cause de la crise immobilière qui, dans les années 90, a fortement ébranlé le canton de Berne et a paralysé le financement de la construction des logements à Brünnen. Le chantier a connu une pause de 10 ans. Ce n’est qu’en 2006 que nous avons pu lancer un concours combinant idées et projets. Le concours d’idées portait sur l’aménagement du parc de Brünnengut, le concours de projets sur celui de la zone jouxtant l’autoroute recouverte.
Quels étaient les éléments incontournables du concours?
Le concept d’affectation de 1994/95 en constituait la base. Les principales consignes étaient de parvenir à des surfaces utilisables par tous. Le résultat devait être un espace urbain libre, offrant un aménagement de grande qualité, destiné à des activités socioculturelles les plus diverses. Les secteurs du parc devaient pouvoir être adaptés aux besoins futurs. Les monuments historiques devaient être intégrés. En outre, il fallait garantir que le parc soit facile d’accès, donc exempt de tout obstacle.
En quoi le projet lauréat «Rose de Berne» s’est-il distingué?
Les lauréats, les architectes paysagers David Bosshard (Berne) et Andreas Tremp (Zurich), ont fait mouche notamment avec leur idée d’entourer le parc d’une allée de tilleuls, tout en créant un cadre naturel vaste et ouvert. L’ordre des affectations, l’intégration du domaine historique, l’encadrement des terrains de sports par des gradins faisant office de sièges, et l’idée de planter un bosquet constitué d’anciennes variétés de pommiers (comme la Rose de Berne), sont autant d’éléments qui ont plu au jury, constitué de représentants des quartiers.
Rétrospective Parc de Brünnengut
- 1991: Berner Stimmvolk sagt Ja zum Stadtentwicklungsprojekt «Brünnen». Aber Immobilienkrise verhindert Umsetzung der Wohnbauten
- 1994/95: concept d’affectation pour le parc (participatif)
- 1999: Stimmvolk sag Ja zum ergänzten Stadtentwicklungsprojekt «Neuplanung Brünnen»
- Juin 2006: résultat du concours
- Août 2007: crédit voté pour l'étude du projet
- Janvier 2009: permis de construire
- Février 2009: premier coup de pioche
- Juillet 2010: fête d’inauguration du parc
Comment l’ensemble du projet de parc a-t-il été financé?
Les 30 propriétaires fonciers s’étaient déjà mis d’accord en 1966 sur une réunion parcellaire de leurs terrains à bâtir pour y développer la zone. Finalement, chaque propriétaire ne possédait plus un bout de terrain déterminé dans le secteur «Brünnen/parc de Brünnengut», mais une part de l’ensemble du domaine.
La Ville et les propriétaires fonciers ont signé un contrat, qui stipulait que les propriétaires offraient gratuitement leur terrain au parc. Il en allait de même pour le fermier. La Ville a financé une partie de l’équipement général du nouveau quartier de Brünnen, les raccordements étant à la charge des propriétaires. Le contrat précisait également que, pour la construction de leurs logements, les propriétaires devaient procéder à une mise au concours public conforme au règlement SIA et mettre des locaux communs à la disposition des habitants. Cette pratique n’allait pas de soi à l’époque.
En contrepartie, les propriétaires avaient la possibilité de construire jusqu’à 4 voire 5 étages, ainsi qu’en attique, au lieu des 1,5 étage en usage dans le quartier. La Ville compensait une partie de la plus-value que les propriétaires retiraient de cette augmentation des possibilités de construire par des prestations en nature visant à augmenter la qualité de vie du quartier. Pour les propriétaires, la plus-value était également considérable: le prix du terrain se voyait démultiplié. La Ville de Berne a réalisé le parc pour un montant de 3,3 millions et, pour 2 millions supplémentaires, les espaces dévolus au sport.
D’autres parcs de cette envergure sont-ils prévus à Berne ?
Il existe 4 à 5 autres projets. Celui de Viererfeld/Mittelfeld est le plus abouti. Un parc pourrait voir le jour dans ce secteur.