La coopérative WOBA Linde crée des logements abordables

À Steckborn, joli petit bourg au bord du lac de Constance, les coûts du logement ont – comme dans beaucoup d’autres régions attractives de Suisse – sensiblement augmenté au cours des dernières années. Pour y remédier, l’exécutif communal a fondé la coopérative d’habitation WOBA Linde, avec pour objectif d’offrir à la population des logements à la fois modernes et abordables. Comment la commune a-t-elle procédé? En quoi consistaient les obstacles, et quels enseignements les autres communes peuvent-elles en tirer?
Heidi Haag, géographe et aménagiste, responsable du conseil en aménagement à EspaceSuisse
La coopérative d’habitation Linde s’intègre bien dans le paysage de Steckborn. Parvenez-vous à la localiser? Photo: Markus Hägi

À peine a-t-on fait quelques pas depuis la gare de Steckborn que l’on aperçoit les premiers immeubles de la coopérative d’habitation WOBA Linde, de discrets bâtiments de trois à quatre niveaux, avec des volets coulissants gris. L’ensemble ne cherche pas à en imposer et ménage en grande partie la vue que l’on a sur la vieille ville depuis les maisons voisines. À l’angle nord-ouest du périmètre, juste à côté du passage sécurisé qui enjambe la voie ferrée, se dresse le vieux tilleul protégé qui donne son nom à la coopérative. Cet arbre a été soigneusement préservé des dommages pendant toute la durée du chantier. Gregor Rominger, ancien conseiller municipal et président de la WOBA Linde, nous guide à travers le site et nous raconte la genèse de l’opération, qui s’est étendue sur près de dix ans. Il est content du résultat: «L’ambiance est excellente. Le soir et le week-end, quand il fait beau, les habitants se retrouvent en nombre dans la cour intérieure.»

Un succès malgré l’absence de tradition

À Steckborn, qui compte environ 4000 habitants, les coopératives d’habitation ne jouissent pas d’une longue tradition. Pourtant, 46 des 48 logements de 2,5 à 5,5 pièces du nouvel ensemble sont actuellement loués. Ils se répartissent sur quatre bâtiments disposés autour d’une cour intérieure aménagée de façon attrayante.

Une partie des rez-de-chaussée abrite des activités publiques, commerciales et de service: un magasin de plongée, un studio de yoga, un cabinet de physiothérapie, une entreprise de jardinage et un poste de la Police cantonale thurgovienne avec douze places de travail. Ce dernier constitue un gage de sécurité pour la coopérative, car il assure une rentrée locative régulière tout en réduisant les risques de vandalisme et de tapage dans la cour. Le centre médical initialement prévu n’a pas pu être réalisé à ce jour, et il faudra peut-être trouver une alternative. Le but de la WOBA Linde était d’offrir, pour les décennies à venir, des logements abordables destinés à différentes classes d’âge, raison pour laquelle ont aussi été construits de grands appartements pour familles.

De l’acquisition des terrains au plan d’affectation spécial

Mais reprenons les choses depuis le début. En 2006 déjà, la commune fait l’acquisition des terrains de la paroisse et de la communauté scolaire, d’une superficie totale de 8300 mètres carrés. Situé entre la gare, la vieille ville, l’école et l’EMS, le périmètre présente une importance stratégique pour le développement futur de la commune.

Après une phase d’arrêt, le conseil municipal – l’exécutif communal – décide, en 2012, de mener une large enquête auprès de la population ayant le droit de vote, afin de déterminer quels besoins pourraient être satisfaits sur le site. Les résultats sont sans ambiguïté: la grande majorité des participants souhaite que les terrains restent en possession de la commune et que soient construits des logements abordables pour différentes classes d’âge, ainsi que des locaux pour des activités commerciales et de service.

Dans le cadre d’un concours d’architecture international à deux degrés, le jury jette son dévolu, en 2014, sur le projet «Fiorino», dû à une équipe d’architectes et de paysagistes zurichois. Un an plus tard, les électeurs approuvent le reclassement des terrains, alors situés en zone d’utilité publique, en zone mixte destinée à l’habitat et aux activités artisanales et commerciales. Afin de garantir le respect des qualités définies dans le projet directeur (Richtprojekt) en matière d’architecture, d’espaces extérieurs, de perméabilité, d’affectation des terrains et d’efficacité énergétique, un plan d’aménagement détaillé liant les tiers (Gestaltungsplan) est élaboré en 2017.

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La voie de chemin de fer et les rues adjacentes fixent les lignes urbanistiques.
Source: Swisstopo, EspaceSuisse
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Les bâtiments sont disposés autour d’une cour intérieure. Photo: René Haag
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L’image aérienne le prouve: la coopérative Linde a pris les devants et apporte sa contribution au tournant
énergétique.
Photo: René Haag

Coopérative d’habitation et droit de superficie

Comme la coopérative d’habitation déjà établie à Steckborn ne disposait pas des ressources nécessaires pour réaliser l’ensemble «Fiorino», il fallait en créer une nouvelle. En 2015, pour avancer rapidement, les sept conseillers municipaux fondent la WOBA Linde en tant que particuliers. Pour ce faire, chaque sociétaire doit acquérir au moins une part sociale à 500 francs. La commune conclut ensuite avec la coopérative un contrat de droit de superficie d’une durée d’au moins 60 ans, ce qui lui garantit que ces terrains très bien centrés seront construits conformément aux exigences d’un développement vers l’intérieur de qualité. Ainsi les logements devront-ils être loués à prix coûtant (absence de profit), tandis que le parking souterrain devra abriter 20 places destinées aux habitants du centre ancien. Il est en outre convenu que la commune ne prendra en charge les coûts du concours et les frais de planification engagés jusque-là que si les caractéristiques déterminantes du projet directeur sont bel et bien réalisées. Quant à la rente superficiaire, elle se montera à quelque 60'000 francs par année. Ces conditions convainquent la population, qui approuve en effet l’octroi du droit de superficie à plus de 60 pour cent des voix en 2016.

L’écueil du financement

Les architectes estiment les coûts du projet directeur «Fiorino» à 29 millions de francs. Or, le premier plan de financement présenté en 2017 par les coopérateurs – c’est-à-dire les sept conseillers municipaux – à la population est rejeté par une Assemblée communale très fréquentée. Ce plan prévoyait que la commune prenne un crédit de dix millions de francs auprès de la Caisse de pension du canton de Thurgovie et qu’elle le transmette ensuite sous forme de prêt à la WOBA Linde. Le reste devait être financé par des crédits bancaires. «Nous avons sans doute été un peu trop confiants et trop peu transparents au départ», commente Rominger à propos de ce douloureux revers. Mais rétrospectivement, les sociétaires se félicitent de ce premier refus.

Après s’être remis de sa défaite, le comité de la coopérative entreprend avec d’autant plus de détermination de réduire les coûts du projet et de chercher des sources de financement alternatives. Entre alors en jeu un entrepreneur domicilié à Steckborn, que le projet de la WOBA Linde convainc. L’entreprise totale refait tous les calculs et propose diverses mesures d’économie qui, au dire de Rominger, ne remettent pas en cause la qualité du projet. Son offre: construire l’ensemble Linde pour 26 millions de francs.

Une laborieuse recherche de capitaux

Réunir une telle somme reste toutefois une tâche herculéenne. À la mi-2018, la coopérative ne dispose encore que de très peu de fonds propres. La vente d’une centaine de parts sociales rapporte 50'000 francs. À cette époque, relate Rominger, 39 logements sont certes déjà réservés, mais les parts sociales y afférentes, d’un montant total de près de 500'000 francs, ne peuvent encore être encaissées.

Le comité mène d’innombrables entretiens avec des bailleurs de fonds potentiels pour les convaincre de la qualité du projet-phare de Steckborn. Il sollicite par ailleurs le soutien de l’Office fédéral du logement (OFL) et du Fonds de solidarité des Coopératives d’habitation Suisse (voir aussi «La parole à», p. XX). Le projet plaît aux deux institutions, qui promettent chacune un prêt à un taux d’intérêt avantageux.

Le comité mène d’innombrables entretiens avec des bailleurs de fonds potentiels
Heidi Haag, géographe et aménagiste, responsable du conseil en aménagement à EspaceSuisse

Le Fonds de roulement de l’OFL accorde 675'000 francs et le Fonds de solidarité 450'000. Quant à la Société coopérative de cautionnement hypothécaire (CCH), portée par des coopératives de construction, des banques et d’autres personnes morales, elle cautionne un prêt de plus de deux millions de francs. L’examen et l’approbation du projet par la Confédération a un effet d’appel, puisque divers privés consentent des prêts pour un montant total d’environ 3,5 millions de francs.

Pour que les banques puissent cofinancer un projet coopératif, il faut que la coopérative concernée dispose d’au moins cinq pour cent de fonds propres. La WOBA Linde a atteint ce seuil grâce aux parts sociales souscrites par les sociétaires au moment d’adhérer à la coopérative, aux parts sociales supplémentaires liées aux logements loués et à celles, plus importantes, souscrites par des privés – ce qui a permis de solliciter le reste du financement auprès d’une banque. Comme la WOBA Linde ne parvenait pas à trouver d’accord avec les banques locales, elle a fini par prendre un crédit de plus de 18 millions de francs auprès de la Banque cantonale lucernoise. Les travaux pouvaient dès lors commencer.

 

Un projet directeur largement concrétisé

Le premier coup de pioche est donné en novembre 2018 et les premiers locataires emménagent à partir de décembre 2020. L’ensemble réalisé correspond dans une large mesure, tant sur le plan de l’architecture que de l’aménagement des espaces verts et non bâtis, aux qualités du projet directeur issu du concours – alors même que le maître d’ouvrage s’est séparé des architectes et des paysagistes au cours du processus de financement de l’opération.

Trois éléments garantissaient le respect de ces exigences qualitatives: le plan d’aménagement détaillé, contraignant pour les particuliers; le contrat de droit de superficie, qui imposait de concrétiser le projet directeur; et la volonté forte du comité de la coopérative de réaliser un ensemble de grande qualité à cet endroit stratégique, proche du centre historique recensé comme site construit d’importance nationale.

Avec ses plantations variées et les multiples possibilités d’utilisation qu’elle offre, la surprenante cour intérieure se révèle particulièrement bienfaisante. Elle aussi a été réalisée conformément au plan d’aménagement détaillé. Comme l’explique Rominger, son entretien sera assuré par le concierge, spécialement formé pour cela. On a ici veillé à ce que les arbres à grande couronne, destinés à dispenser de l’ombre, ne soient pas plantés au-dessus du parking souterrain, mais puissent plonger leurs racines profondément dans le sol. Les pelouses de jeu tondues à ras côtoient des prairies sauvages fleuries. Il faudra toutefois attendre encore un an ou deux avant que les fleurs s’épanouissent pleinement. Que les habitants se plaisent beaucoup dans la cour, Rominger l’observe souvent le week-end, quand ils font des grillades, des jeux et du jardinage. De premiers légumes et baies sortent de terre dans les plates-bandes tant privées que collectives. La grande fontaine constitue une attraction supplémentaire pour les enfants.

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Alors que la cour intérieure et la place de jeux invitent à la détente …
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… la vigilance est de mise sur le chemin de l’école (zone 50 km/h).
Place à la diversité: les surfaces tondues alternent avec les prairies fleuries non tondues. Photos: Florian Inneman, EspaceSuisse

Des toitures en location

Dès le début des études, une grande importance a été accordée à l’efficacité énergétique. Pour des raisons de coûts, la WOBA Linde n’a pour l’instant pas pu réaliser l’installation photovoltaïque initialement prévue. Les toitures ne restent toutefois pas inutilisées. Elles sont en effet louées à l’association Solarstrom-Pool Thurgau, qui y a posé au total près de 1000 mètres carrés de panneaux solaires fournissant une puissance de près de 200 kilowatts-crête.

Les objectifs statutaires de la coopérative en matière de mixité sociale et d’occupation des locaux ne sont pas encore pleinement atteints. En ce qui concerne les logements, Rominger pense que la situation se stabilisera avec le temps. S’agissant des surfaces commerciales, le président admet que, si c’était à refaire, il conclurait des contrats contraignants avant le début des travaux. Mais, comme la végétation, qui met toujours quelques années avant de déployer toute sa splendeur sur un site, il faut en général un peu de temps avant que la location de logements et de locaux commerciaux soit assurée sur la durée.

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Les toitures sont louées pour des installations photovoltaïques.
Photo: René Haag

Principaux facteurs de succès de l’opération

D’après Gregor Rominger, président de la WOBA Linde, le succès de ce projet coopératif est dû à divers facteurs, parmi lesquels notamment:

  • la décision prise en 2006 par l’exécutif communal d’acquérir les terrains dans le cadre de sa politique foncière active;
  • la présence d’un excellent responsable des Travaux publics, qui a su, au fil des décennies, appuyer l’exécutif communal dans les processus de planification difficiles;
  • le fait que l’exécutif communal ait été convaincu de l’intérêt de réaliser des logements abordables pour les personnes désireuses de s’établir à Steckborn;
  • l’ouverture d’esprit de la population, qui s’est à plusieurs reprises exprimée favorablement sur le projet dans les urnes, mais qui a également su se montrer critique au moment déterminant;
  • l’engagement de personnes enthousiastes et opiniâtres, qui sont parvenues, moyennant d’innombrables discussions, à convaincre les bailleurs de fonds potentiels.

La parole à Lea Gerber

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Lea Gerber est responsable du domaine «Politique et bases» au sein de Coopératives d’habitation Suisse, la Fédération des maîtres d’ouvrage d’utilité publique.
Photo: màd
«Les coopératives ont pour vocation de combler des lacunes»
Lea Gerber, responsable du domaine «Politique et bases» au sein de Coopératives d’habitation Suisse

Madame Gerber, on semble assister actuellement à un véritable boom: les coopératives d’habitation fleurissent un peu partout. Cette impression correspond-elle à la réalité?

De nombreuses personnes sollicitent en effet nos conseils en vue de fonder une coopérative. Dans certaines régions, des coopératives se créent à la chaîne, en Suisse romande par exemple. Mais nous n’identifions pas de véritable boom. Cette impression vient peut-être de l’attention accrue dont jouissent les coopératives, car on parle plus de la construction de logements d’utilité publique que jamais auparavant.

Comment expliquer qu’autant de coopératives se créent en Suisse romande?

Cela tient à un important besoin de rattrapage et aux mesures d’encouragement mises en place. À Genève, par exemple, la part de marché des coopératives est de seulement quatre pour cent, ce qui est très bas pour un canton urbain. Aujourd’hui, le milieu coopératif genevois est très dynamique, et la construction de logements d’utilité publique fait l’objet d’une promotion active au niveau politique.

C’est surtout en Suisse romande que de nombreuses coopératives d’habitation ont été créées ces dernières années. En image: un complexe de la coopérative genevoise Equilibre. Photo: Annik Wetter

À la campagne, en revanche, on a le sentiment que les coopératives ne parviennent toujours pas à s’implanter...

Si. Au cours des dernières années, de nombreux projets coopératifs ont aussi vu le jour à la campagne. Mais si l’on considère le parc immobilier, on constate que les coopératives sont un phénomène plutôt urbain. Il y a dix fois plus de logements coopératifs en ville qu’à la campagne.

Comment l’expliquer?

Les raisons sont historiques. La pression est plus forte dans les villes, où la pénurie de logements se faisait déjà fortement sentir il y a un siècle. Les coopératives d’habitation ont vu le jour à l’initiative des milieux ouvriers dans un esprit d’entraide – souvent avec le soutien des patrons. Aujourd’hui, l’enjeu est souvent de répondre à l’évolution de la demande sociale – en proposant par exemple de nouvelles formes d’habitat – ou de construire et habiter de manière durable. À la campagne, on voit surtout se multiplier les projets de logements pour personnes âgées ou d’habitat intergénérationnel.

Un autre élément d’explication ne réside-t-il pas dans le financement, qui n’est pas toujours facile à réunir, comme le montre l’exemple de Steckborn?

Pour les nouvelles coopératives, le financement représente certainement un obstacle, surtout dans les régions rurales. C’est pourquoi les instruments d’encouragement et les aides financières de départ sont si importants. Et c’est pourquoi nous nous engageons pour cela sur le plan politique. Une difficulté peut-être encore plus grande est d’accéder à des terrains abordables. Nos membres ne peuvent souvent plus se développer que si les collectivités publiques leur cèdent des terrains en droit de superficie.

Certains dénoncent le fait que les projets coopératifs entraînent des distorsions sur le marché en raison des conditions préférentielles qu’offre par exemple le droit de superficie.

On reproche souvent aux coopératives de proposer des logements très bon marché grâce aux aides dont elles jouissent. Mais c’est un préjugé infondé. La grande différence réside dans le fait que les coopératives renoncent à faire des bénéfices: nos membres pratiquent des loyers à prix coûtant, et non des loyers calculés selon les prix du marché. D’autres instruments d’encouragement comme le Fonds de roulement comportent des prêts à taux d’intérêt avantageux – taux qui se monte actuellement à un pour cent. Ces prêts permettent à de nombreuses coopératives de réunir les fonds propres nécessaires.

Il n’empêche que l’on peut considérer la cession de terrains en droit de superficie avec une rente faible comme une subvention cachée...

Là encore, il faut y regarder de plus près. La cession de terrains en droit de superficie est souvent liée à de nombreuses conditions, dont celle de renoncer à faire des profits – une énorme différence par rapport au marché libre. On l’oublie souvent. Outre les loyers à prix coûtant, d’autres conditions peuvent par exemple porter sur l’occupation des logements ou l’obligation d’organiser un concours d’architecture. Sont souvent exigés aussi la réalisation d’équipements de type garderies ou le respect de certains standards énergétiques. Un droit de superficie, c’est du donnant-donnant.

«Un droit de superficie, c’est du donnant-donnant.»
Lea Gerber, responsable du domaine «Politique et bases» au sein de Coopératives d’habitation Suisse

Qu’est-ce qui est le plus intéressant pour une coopérative: obtenir un droit de superficie ou acquérir des terrains?

La plupart des coopératives préfèrent acquérir elles-mêmes des terrains, surtout celles qui sont déjà bien établies et disposent d’une assise financière solide. Mais pour les jeunes coopératives qui ne disposent pas de fonds propres importants, obtenir un droit de superficie représente une alternative intéressante.

Vous réfutez la critique selon laquelle les coopératives bénéficieraient d’un statut privilégié sur le marché immobilier. Quel rôle celles-ci ont-elles à jouer?

Leur mission principale est de mettre à disposition des logements bon marché sur le long terme. Dans les villes et les quartiers en développement où les loyers augmentent, les coopératives d’habitation permettent aux gens de rester sur place même s’ils ont peu de moyens. D’autres enjeux consistent à créer des quartiers vivants et à favoriser la participation et la cogestion.

Les coopératives d’habitation s’efforcent de planifier et construire de manière durable. D’où vient cet engagement?

Il est intéressant de noter que les coopératives ont toujours fait un usage parcimonieux du sol. Autrefois, c’était surtout pour réduire les coûts. Aujourd’hui, il s’agit aussi de sobriété. Il est judicieux de réduire l’espace habitable privé au profit d’espaces collectifs. Certaines infrastructures peuvent être partagées, comme les bureaux, les chambres d’hôtes ou les salles communautaires.

«Les coopératives ont toujours fait un usage parcimonieux du sol.»
Lea Gerber, responsable du domaine «Politique et bases» au sein de Coopératives d’habitation Suisse

Quelles raisons peuvent-elles amener une commune à soutenir ou promouvoir la construction de logements d’utilité publique?

C’est très variable. Les communes riches de la Goldküste zurichoise le font par exemple pour pouvoir offrir des logements aux professionnels dont elles ont besoin, notamment dans les domaines de l’enseignement et des soins. De manière générale, les coopératives sont appelées à combler des lacunes, par exemple en matière de logements pour personnes âgées ou d’habitat intergénérationnel. On observe aussi que les coopératives ont souvent pour fonction d’animer un quartier. Dans ce genre de projets, le but n’est pas seulement qu’un investisseur construise quelques logements de plus, mais que soit réalisé un centre avec un café ou des logements pour familles.

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Si une commune définit clairement ses besoins en matière de logement, elle dispose d’une bonne base pour le développement de son urbanisation.
Source: klotzgotv.com, Printscreen Minecraft

Mais cela, le marché libre peut aussi s’en charger. Il suffit à la commune de poser les conditions nécessaires.

Oui, c’est vrai, mais en général pas au même prix. Les investisseurs axés sur le profit engagent parfois des coaches pour favoriser les interactions sociales au sein des immeubles ou des ensembles d’habitation. Dans les coopératives, beaucoup de choses se font bénévolement. Le vivre-ensemble est inscrit dans l’ADN des coopératives.

«Le vivre-ensemble est inscrit dans l’ADN des coopératives.»
Lea Gerber, responsable du domaine «Politique et bases» au sein de Coopératives d’habitation Suisse

À Steckborn, les sept conseillers municipaux ont créé une coopérative en tant que particuliers pour avancer rapidement. Est-il recommandé de procéder de cette manière?

C’est sans doute plutôt exceptionnel, mais il arrive souvent que les représentants communaux s’impliquent personnellement, surtout dans les projets de logements pour personnes âgées dans les régions rurales. En tant qu’association, nous le saluons.

Quelles mesures une commune doit-elle prendre si elle entend promouvoir la construction de logements bon marché?

La plus importante concerne le sol: si une commune possède des terrains ou a la possibilité d’en acquérir, elle devrait les céder à des coopératives. Cela lui permettra d’influer sur les projets de logement et de maîtriser le développement du milieu bâti. Elle pourra aussi apporter son soutien au niveau du financement, en octroyant des prêts ou en souscrivant des parts sociales.

Le logement coopératif en Suisse

Il existe en Suisse environ 2000 maîtres d’ouvrage d’utilité publique possédant au total plus de 185'000 logements – ce qui représente près de cinq pour cent du parc de logements helvétique. Les deux organisations faîtières des maîtres d’ouvrage d’utilité publique, Coopératives d’habitation Suisse et Logement Suisse, soutiennent leurs membres en leur octroyant des aides financières et en leur offrant des prestations de conseil et des cours de formation continue.

Coopératives d’habitation Suisse, Fédération des maîtres d’ouvrage d’utilité publique: wbg-schweiz.ch

Logement Suisse, Association des coopératives d’habitation:wohnen-schweiz.ch

En dépit de l’essor qu’elles ont connu ces dernières années, les coopératives d’habitation ne jouent qu’un rôle secondaire sur le marché immobilier suisse.
Source: Office fédéral de la statistique OFS (remanié par EspaceSuisse)

Une bonne planification a son coût. À Steckborn, la commune l’a préfinancée. Est-il encore possible aujourd’hui de fonder une coopérative sans l’aide de la commune?

Oui, cela arrive régulièrement. Mais il est en effet très difficile de réunir l’argent nécessaire pour l’élaboration du projet avant qu’un contrat de superficie soit signé. C’est pourquoi notre association octroie aux coopératives des aides à fonds perdus issues du Fonds de solidarité, qui est lui-même alimenté par les contributions volontaires des membres.

À quoi les communes rurales doivent-elles prêter attention si elles souhaitent encourager les projets coopératifs?

Il est primordial que la commune identifie clairement ses besoins avant le lancement des études. Steckborn a par exemple mené une enquête pour les préciser. Il ne s’agit toutefois pas de réinventer la roue à chaque fois. Il existe peut-être déjà dans les environs des coopératives avec lesquelles il est possible de collaborer.

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À la campagne, les coopératives d’habitation entrent en jeu surtout lorsqu’il y a pénurie, de logements pour personnes âgées, par exemple. L’ancienne droguerie de Trogen AR est aujourd'hui une maison intergénérationnelle.
Photo: Michele Limina

Instruments d’aménagement destinés à promouvoir la construction de logements d’utilité publique

Les villes et les communes disposent de toute une série d’outils pour mener une politique du logement adaptée à leurs besoins:

  • Délimitation de zones prescrivant un quota déterminé de logements avantageux dans les plans d’affectation (spéciaux)
  • Incitations sous forme de bonus d’utilisation du sol (p. ex. augmentation de l’indice d’utilisation du sol)
  • Obligation de construire et droit d’emption
  • Construction de logements communaux
  • Constitution d’une fondation ou d’une coopérative chargée de construire des logements d’utilité publique
  • Cession de terrains communaux à des maîtres d’ouvrage d’utilité publique
  • Octroi de prêts et d’aides à des maîtres d’ouvrage d’utilité publique
  • Aides au loyer pour les locataires modestes

Source: Office fédéral du logement (OFL), «Logement à prix avantageux. Un kit d’options à la disposition des villes et des communes»; EspaceSuisse

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