L'affectation transitoire «Lattich» fait revivre le quartier de la gare

Histoire compliquée du site, projet de développement raté

Dans les années 1990, les CFF avaient déjà progressivement délaissé la gare de marchandises de Saint-Gall. Dans les années 2000, les premières transformations ont été autorisées sur la friche. En 2000, par exemple, l'organisation Kultur am Gleis (KUGL), puis en 2004 l'organisation à but non lucratif pour les demandeurs d'emploi «Projekt-Werkstatt» ont été autorisées à transformer deux des bâtiments de l'entrepôt avec un programme d'insertion professionnelle.

En 2006, les CFF ont rendu public un grand projet de développement : ils prévoyaient sur le site des bureaux, des logements, des commerces et de la restauration ainsi que 500 places de parking. Mais le projet a suscité une vive opposition dans le quartier et a ensuite été rejeté dans les urnes. Le canton de Saint-Gall a ensuite acquis une partie du site, mais la plupart des bâtiments de l'entrepôt sont restés la propriété des CFF. L'avenir du site est resté incertain.

L'accès prévu à l'autoroute comme déclencheur

L'avenir du site est incertain. De nouvelles demandes d'espace sont apparues récemment à la suite d'un grand projet routier fédéral, l'élimination du goulet d'étranglement de Saint-Gall : D'une part, le tunnel Rosenberg de l'autoroute A1 doit être complété par un troisième tube, et d'autre part, une autre liaison autoroutière doit être créée dans la ville de Saint-Gall afin de faire face au volume élevé du trafic. En 2016, une initiative contre le projet d'autoroute a échoué, mais avec un horizon de réalisation de 2030, il était clair qu'aucune surconstruction ne verrait le jour avant de nombreuses années. Ainsi, seuls des nouvelles affectations transitoires ont été envisagées.

Cette situation initiale a inspiré l'organisation REGIO Appenzell AR - Saint-Gall - Lac de Constance, qui avait déjà été impliquée dans des affectations transitoires, à lancer le projet «Lattich» : une affectation transitoire diverse et imaginative sur des espaces ouverts et dans un entrepôt. L'objectif est de créer un lieu social et culturel pour des personnes d'origines et d'âges différents. Un groupe de projet (consortium) a créé un concept qui répond à la demande d'espaces, aux possibilités de développement, de déploiement, d'auto-organisation et d'échanges. Ce concept a convaincu la Banque cantonale de Saint-Gall, si bien qu'elle a accordé une contribution de projet de 100 000 francs pour la revitalisation du quartier dans le cadre de son 150e anniversaire (voir article dans le magazine culturel «Saiten», 2016).

Affectations adaptées au quartier

Ce qui a commencé en 2016 comme une expérience de deux mois menée par un consortium dans l'entrepôt des CFF a été bien accueilli par le voisinage et les visiteurs. En 2017, l'association «Lattich» a été fondée et les activités se sont développées. Grâce à un engagement civique important, dix projets indépendants et un village de conteneurs ont vu le jour, pour finalement devenir un point de convergence pour les industries créatives. Pour des raisons saisonnières, les conteneurs ne sont disponibles que pendant les mois d'été. Pendant la saison hivernale, ils sont stationnés ailleurs.

Les principaux projets «Lattich» :

• la curation de la halle CFF avec de la culture en tout genre et les locations par des tiers (2017 : 70 événements avec 7000 invités),
• la petite entreprise de restauration Lattich-Kiosk le week-end et lors d'événements (comme il est interdit de cuisiner ici, l'association travaille en collaboration avec un restaurant voisin),
• un projet de jardinage urbain mené par l'EPER pour 11 familles de migrants qui sont soutenues par des familles suisses et se réunissent chaque semaine, en ne parlant que l'allemand,
• un projet pour les jeunes,
• un «conteneur pour l'inouï» musical, dans lequel le chœur Lattich a également été formé,
• un atelier de conteneurs de l'école de design,
• une station du «Chemin des jeux de St-Gall» , et
• un bâtiment modulaire en bois à louer pour les indépendants et les entreprises créatives.

Les tâches de l'association «Lattich» se limitent à l'administration, la coordination, les relations publiques, les contacts avec les autorités et autres. L'association fonctionne sur une base volontaire et avec un budget annuel d'environ 65'000 CHF. L'acceptation de l'affectation transitoire est obtenue dans le quartier grâce à des règles claires, une communication proactive et une heure de fermeture pour la musique à 23 heures.

L'affectation transitoire montre son effet

Le projet «Lattich» a débuté dans le but de sensibiliser les gens aux espaces ouverts et à leur potentiel. L'espace libre doit rassembler les gens et offrir un terrain fertile et une source d'inspiration pour les idées des sans-abri. Les médias locaux et internationaux ont réagi positivement à l'utilisation provisoire : par exemple, la télévision allemande ZDF, le magazine de bord de Swiss, le magazine «Hochparterre» et la société Wüest Partner ont reconnu dans «Lattich» un exemple d'urbanité vécue à Saint-Gall.

Le projet a donc un impact bien au-delà du quartier et de la ville de Saint-Gall. Son succès repose sur l'engagement des personnes impliquées et sur un large réseau. La ville accueille favorablement le projet : le co-responsable de la promotion culturelle a qualifié Lattich d'«hybride parfait et excellent pour le tissu urbain» , tandis que l'urbaniste a souligné la revitalisation, le potentiel d'innovation, la formation de l'identité et l'importance pour l'image de la ville.

Cependant, deux aspects assombrissent l'horizon: d'une part, les contrats de location et les permis ne sont valables que pour une saison, ce qui entraîne une incertitude et des coûts de négociation et de logistique élevés (tous les conteneurs doivent être retirés pendant l'hiver). En revanche, les CFF souhaitent à l'avenir utiliser à nouveau la halle louée à l'association de manière régulière, c'est-à-dire à titre commercial. Cela signifierait que le cœur de l'affectation transitoire serait perdu.

Un projet en cours est toutefois susceptible d'apporter plus d'activité en journée et de renforcer la qualité du lieu : de manière indépendante, mais coordonnée avec l'association, un mécène privé a construit en 2019 un bâtiment modulaire en bois de trois étages sur la friche. Il comprend 45 unités de 30 mètres carrés chacune. Les unités seront louées au prix du marché, en tant que bureaux ou ateliers pour les indépendants et les petites entreprises des industries créatives (artisanat, design, communication ou architecture). Le projet a été rendu possible par le canton de Saint-Gall, qui a accordé un droit de superficie limité à 10 ans. En août 2019, tous les modules ont été loués.