Simple concept d’investissement ou politique foncière active?

Au départ, des immeubles qu’il devenait urgent de rénover dans la vieille ville. Puis, un concept d’investissement lancé par l’exécutif municipal et un crédit de 20 millions de francs voté par l’Assemblée communale pour permettre à la commune d’acquérir, rénover ou construire des immeubles. Aujourd’hui, une dizaine de millions de francs plus tard, de premiers effets qui commencent à se faire sentir. Éclairage sur le projet courageux de Laufenburg, dans le Fricktal.
Florian Inneman, géographe et aménagiste, EspaceSuisse
Vue de la vieille ville de Laufenburg par-delà le Rhin. On ne s’étonnera pas que la petite cité figure dans l’Inventaire des sites construits à protéger en Suisse (ISOS). Photo: Florian Inneman, EspaceSuisse

Il y a du bruit en arrière-fond, des câbles jonchent le sol. Il faut faire attention où l’on met les pieds. Un ouvrier passe furtivement. Le plafond semble avoir besoin d’une rénovation urgente, certains murs n’ont plus l’air tout à fait stables et le sol mérite plus qu’un simple entretien – même le profane s’en aperçoit clairement. Nous sommes dans l’immeuble Adler, sur la place du Marché, au cœur de la vieille ville de Laufenburg. Ce bâtiment remarquable rayonne sur toute la place. L’allure qu’il a se révèle donc déterminante. 

Motif de la visite: c’est ici que  la Ville de Laufenburg investit et construit. Elle s’appuie pour ce faire sur le «concept d’investissement vieille ville» – un nom discret qui désigne pourtant une politique intelligente et courageuse. En février 2016, l’Assemblée communale a voté un crédit de 20 millions de francs pour acquérir et rénover les immeubles qui le nécessitent dans la vieille ville de Laufenburg et le centre du village de Sulz. En d’autres termes: elle a opté pour une politique foncière active. 

C’est ici que la Ville de Laufenburg investit et construit.
Florian Inneman, géographe et aménagiste, EspaceSuisse

Depuis, près de 10 millions de francs ont été investis. Deux immeubles sont déjà achevés et deux autres encore en chantier, tous étant bien répartis entre les deux sites. Depuis la fusion de 2010, la commune rurale de Sulz est rattachée à Laufenburg, qui compte aujourd’hui près de 3700 habitants. 

Une situation initiale difficile 

Au début de l’histoire, il y avait des immeubles dégradés dans la vieille ville, un taux élevé d’aide sociale, la menace d’une hausse de la quotité d’impôts et un exécutif municipal désireux d’agir. Mais une chose après l’autre. À la suite de la fusion, la nouvelle commune avait lancé l’élaboration d’une conception directrice. Au cours du processus, la nécessité de se préoccuper du sort de la vieille ville du fait des mutations structurelles en cours n’avait fait que se confirmer: à Laufenburg comme dans bien d’autres centres historiques, des commerces fermaient et certains immeubles n’étaient pratiquement plus entretenus, voire même abandonnés. Un groupe de travail avait dès lors été mis sur pied pour dresser un état des lieux minutieux et élaborer un concept pour la vieille ville. 

Parallèlement, la situation financière de la commune se tendait toujours davantage, en raison notamment d’un taux d’aide sociale supérieur à la moyenne cantonale. Ce taux était lui-même lié au fait que certains propriétaires n’investissaient pratiquement rien dans leurs immeubles, tout en cherchant à en tirer les loyers les plus élevés possibles – certains locataires bénéficiaient précisément de l’aide sociale. Au-delà de la question morale de savoir quelle attitude adopter à l’égard de personnes se trouvant de toute façon en situation difficile, cette pratique n’était pas sans conséquences financières pour la Ville. Le règlement communal sur les constructions stipulait certes que les immeubles de la vieille ville devaient être entretenus, mais ce genre de dispositions est toujours difficile à faire appliquer. En l’absence d’un danger avéré, la commune ne peut guère intervenir. 

La vieille ville de Laufenburg est un bijou, mais manque parfois d’animation. Photo: Florian Inneman, EspaceSuisse

Nécessité est mère d’invention

Face à ces multiples défis, et à titre d’alternative à une hausse de la quotité d’impôts, l’idée d’élaborer un concept d’investissement pour la vieille ville a émergé au sein de l’exécutif municipal. Le but est que la commune puisse acquérir des immeubles, les rénover ou reconstruire et les louer – avec plusieurs effets positifs. D’abord, les loyers encaissés alimentent la caisse communale. Ensuite, l’intervention des pouvoirs publics encourage les privés à investir dans la vieille ville – avec pour conséquence d’y voir à nouveau augmenter le nombre d’habitants, et donc les recettes fiscales. 

La commune a jusqu’ici investi env. 10 millions de francs dans quatre objets, deux dans la vieille ville de Laufenburg et deux dans la localité de Sulz.
Photo: Florian Inneman, EspaceSuisse
Le but est que la commune puisse acquérir des immeubles, les rénover ou reconstruire et les louer.
Florian Inneman, géographe et aménagiste, EspaceSuisse

«Le concept d’investissement était un succès avant même que nous arrivions sur le marché», explique André Maier, le conseiller municipal en charge des constructions et dudit concept. De nombreux privés se sont en effet mis à investir dans leurs immeubles avant même que la commune n’en acquière un seul. «Le concept d’investissement a réveillé les gens, il a agi comme une étincelle», poursuit Maier. Christian Müller, de l’administration des constructions, confirme que l’état d’esprit qui règne en vieille ville est passé du négatif au positif. Les travaux entrepris se sont multipliés. Lorsque l’on considère l’ensemble du territoire communal, on constate que c’est en vieille ville que la population augmente le plus. Sans doute ce succès s’explique-t-il par d’autres facteurs encore: d’une part, l’administration conseille bien plus qu’auparavant les maîtres d’ouvrage; d’autre part, les taux d’intérêt bas sont favorables aux investissements.

À Laufenburg, il existait déjà un précédent: depuis des années, la Bourgeoisie tirait ses revenus de l’immobilier, y compris dans la vieille ville. «Nous voulions sauter dans ce train», commente Maier. Le concept d’investissement de la Ville ne constitue au fond rien d’autre qu’une politique foncière active – une notion qui, en général, est plutôt en faveur sur la gauche de l’échiquier politique et dans les villes d’une certaine taille (voir aussi «La parole à»). «Chez nous, ce n’est pas une question de parti», précise toutefois le conseiller municipal. 

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An gewissen Orten sieht man den Investitionsbedarf deutlich.
Bild: Florian Inneman, EspaceSuisse
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Le concept d’investissement de la commune lance un signal fort pour les privés, qui se remettent eux aussi à investir dans la vieille ville.
Photo: Florian Inneman, EspaceSuisse

Une procédure et des objectifs de rentabilité clairs 

Mais comment fonctionne ce fameux concept? L’exécutif municipal peut acquérir, rénover ou reconstruire des immeubles pour un montant allant jusqu’à 3,5 millions de francs par objet. Un principe important veut que seuls puissent être achetés, en règle générale, des immeubles dont les propriétaires s’approchent eux-mêmes de la commune. La décision d’acquérir se prend sur la base d’une estimation réalisée par un expert externe et payée par la partie privée, c’est-à-dire par le propriétaire intéressé à vendre. Cette estimation comprend une évaluation sommaire des investissements nécessaires. La question du rendement est ici centrale, l’objectif étant d’obtenir un rendement brut de 5 % et un rendement net de 2,5 %. De tels rendements sont plus faciles à atteindre dans le cas d’une démolition-reconstruction que dans celui d’une rénovation car, dans un immeuble ancien, le risque de surcoûts liés à de mauvaises surprises est plus élevé. De fait, ces objectifs doivent être adaptés aux spécificités de l’objet. De manière générale, la commune table sur un rendement modéré, ce qu’elle est toujours parvenue à obtenir jusqu’ici. 

Les décisions d’acquisition sont prises par l’exécutif municipal. S’ensuivent d’ordinaire un crédit d’études et un crédit de construction. Bien que ces montants relèvent du crédit-cadre de 20 millions de francs, ils requièrent chaque fois des décisions spécifiques de l’Assemblée communale. Jusqu’à présent, tous les projets ont été approuvés, et le concept d’investissement jouit de la confiance des citoyens, comme en avaient déjà témoigné les votations y relatives. Et si les discussions préalablement menées au sein de l’exécutif s’étaient, elles, révélées plus animées, celui-ci avait fini par faire bloc derrière le concept. 

Actuellement, les autorités ont décidé de marquer un temps d’arrêt. L’exécutif municipal souhaite en effet attendre l’achèvement des deux projets en cours et dresser un bilan minutieux de la situation avant de décider de la suite des opérations. De fait, la commune a dû, dans l’intervalle, éconduire un propriétaire intéressé, dont l’immeuble a fini par être racheté par un privé. 

«Le concept d’investissement a réveillé les gens.» André Maier, conseiller municipal de Laufenburg
André Maier, conseiller municipal en charge des constructions et dudit concept à Laufenburg AG

Acquérir, élaborer un projet et construire 

Une fois que la commune a fait l’acquisition d’un immeuble, il lui reste un gros travail de planification, de conception et de réalisation à fournir avant de pouvoir louer. En ce qui concerne l’élaboration des projets, elle organise en général des concours afin d’obtenir la solution la mieux adaptée au lieu. Les questions de rentabilité revêtent bien sûr une grande importance, mais il s’agit aussi de garantir un certain niveau de qualité et une certaine diversité, notamment dans l’éventail de logements proposé. Le projet «Wir von der Kleinstadt Vier», dans la localité de Sulz, en est un bon exemple. Y sont réalisés des logements de 2,5 à 4,5 pièces, ainsi qu’un appartement-atelier et des locaux pour des activités de loisirs. «De nombreuses communes vendent des immeubles de qualité à des investisseurs et perdent ainsi le contrôle de la situation», analyse Oliver Christen, l’architecte responsable. Il en va différemment à Laufenburg. La commune réalise elle-même les projets et en garde ainsi toujours la maîtrise. «Elle assure une offre de logements diversifiée et un haut niveau de qualité. Une telle démarche n’a pas d’équivalent à l’heure actuelle», relève Christen. En outre, la commune a la possibilité d’influer directement sur l’affectation des bâtiments, ce qui se révèle particulièrement précieux dans la vieille ville. Dans l’immeuble Adler, par exemple, le rez-de-chaussée restera occupé par un restaurant, ce qui contribuera à maintenir l’attractivité du centre historique. 

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Laufenburg rénove elle-même l’immeuble Adler, dont elle détermine l’utilisation …
Photo: Florian Inneman, EspaceSuisse
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… et contribue ainsi à redynamiser la vieille ville: des logements, des bureaux
et, bientôt, un restaurant (en image). Photo: Florian Inneman, EspaceSuisse
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Rénové, le restaurant affirmera davantage sa présence dans l’espace public.
Source: Pfiffner.Fischer.Peterhans Architekten, Aarau
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La substance bâtie historique permet d’y aménager des logements avec beaucoup de cachet. Photo: Florian Inneman, EspaceSuisse
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À Sulz, le projet lauréat «Wir von der Kleinstadt Vier» apporte une plus-value qualitative par rapport à une adjudication directe.
OVI images; Oliver Christen Architekten

Lorsque la ville est la bailleresse

Le concept d’investissement de Laufenburg présente deux particularités: il est garant d’une certaine mobilité résidentielle et la commune gère elle-même les logements. Le premier aspect est illustré par le projet «Pfarrhof» à Sulz, qui a permis à un couple d’un certain âge de quitter sa maison devenue trop vaste, tout en restant dans la localité. Tous deux ont grandi ici. «Nous vivions dans une maison entourée d’un grand terrain en pente», raconte la locataire du bâtiment rénové. «Pour des gens de notre âge, c’était difficile. Ici, nous connaissons les gens et ils nous connaissent.» Il est intéressant de noter que cette sorte de bénéfice secondaire, aujourd’hui très appréciée, n’était pas du tout envisagée au moment du lancement du concept.  

Quant au second aspect, Christian Müller explique: «Du fait qu’elle assume elle-même la gestion de ses immeubles, la commune y met bien plus de cœur que ne le ferait une grande gérance externe.» 

En quoi consiste une politique foncière active au niveau communal? 

Par politique foncière active, on entend l’ensemble des actions par lesquelles une commune intervient sur le marché foncier en poursuivant des objectifs bien précis, qui dépassent la volonté de réaliser des gains à court terme en vendant des terrains. Une telle politique peut se traduire par l’acquisition, la vente ou la cession de terrains en droit de superficie, mais aussi par le fait, pour les autorités communales, de jouer un rôle d’intermédiaire. Ainsi la commune ne se limite-t-elle pas à édicter des prescriptions dans son règlement sur les constructions et les zones, mais intervient-elle activement sur le marché afin d’assurer que des terrains soient disponibles le plus rapidement possible pour des projets déterminés – ce qui lui permet d’orienter son développement territorial dans la direction souhaitée. 

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Le concept d’investissement porte sur les deux localités de Sulz (en image) et de Laufenburg, dont le caractère est très différent. Les deux communes ont fusionné en 2010.
Photo: Florian Inneman, EspaceSuisse

Une question de point de vue 

Laufenburg sort donc aussi des sentiers battus dans la manière dont elle met en œuvre son concept d’investissement. Ce qui est frappant, c’est que, du point de vue de la petite ville du Fricktal, ce concept ne relève pas d’une véritable politique foncière active, mais d’un simple programme d’investissement. La problématique de la politique foncière n’en est pas moins abordée dans le cadre de l’actuelle révision du plan d’aménagement local. Or, pour quelqu’un d’extérieur, Laufenburg semble déjà pratiquer une politique foncière active – y compris en dehors de la vieille ville. Ainsi le conseiller municipal André Maier mentionne-t-il incidemment que la Ville a racheté un immeuble en dehors du crédit-cadre du concept d’investissement, afin d’empêcher qu’un autre acquéreur ne cherche à en tirer un maximum de profit sans entretenir correctement le bâtiment. 

Tout ne peut certes pas être fixé par écrit dans des programmes, et tout ne se déroule pas toujours sans le moindre accroc à Laufenburg. Néanmoins, comme la pratique en témoigne, l’exécutif et l’administration communale interviennent de façon stratégique sur le marché immobilier, ce qui permet à la Ville d’influer sur son propre développement et de stimuler l’initiative privée, mais aussi d’éviter –du moins en partie – les évolutions indésirables. 

La parole à Daniel Kolb

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Daniel Kolb est chef cantonal du service du développement territorial du canton d’Argovie. Photo: màd
«Une politique foncière active, c’est remplacer le hasard par la volonté de façonner son avenir.»
Daniel Kolb, directeur de la section Développement territorial (aménagiste cantonal) du canton d’Argovie.

Monsieur Kolb, l’idée de politique foncière active a longtemps semblé ne concerner que les villes d’une certaine taille. On a toutefois le sentiment que de plus en plus de petites communes s’aventurent sur le marché foncier. Cette impression se confirme-t-elle dans le canton d’Argovie? 

L’intérêt pour le sujet augmente en effet, car une politique foncière active accroît la marge de manœuvre des communes. Il est intéressant de noter que, dans le domaine de la construction routière, l’acquisition préalable des terrains nécessaires est la chose la plus banale du monde. Là, on agit dès qu’un projet se profile à l’horizon. Et, politiquement, personne n’y trouve rien à redire. Mais dans les domaines de la promotion économique, du logement et des autres infrastructures –à l’exception peut-être des écoles –, on se montre encore très réticent dans le canton. Pourtant, nous serions parfois très heureux qu’une politique foncière active ait été menée par le passé et que nous puissions en profiter aujourd’hui. 

Comment expliquer que les politiques foncières actives soient relativement marginales? 

Selon moi, c’est une question d’attitude politique. Beaucoup estiment que l’État n’a pas à intervenir sur le marché foncier et qu’il devrait se limiter à définir le cadre juridique régissant l’affectation du sol et les constructions. 

La commune de Laufenburg a développé son propre modèle de politique foncière active. Est-elle une exception, ou d’autres communes ont-elles adopté une démarche similaire? 

Pour autant que je sache, très peu de communes argoviennes mènent une politique foncière active. Je n’en connais aucune qui ait adopté un programme assorti d’un crédit-cadre aussi important qu’à Laufenburg. Mais sur près de 200 communes au total, je ne peux pas exclure que d’autres se soient engagées sur une voie comparable. 

«Lorsqu’il s’agit d’acquérir des terrains, il faut pouvoir agir vite.»
Daniel Kolb, directeur de la section Développement territorial (aménagiste cantonal) du canton d’Argovie.

N’est-il pas risqué pour une petite commune d’investir dans l’achat de terrains?

On croit souvent qu’acquérir des terrains, c’est dépenser de l’argent dont on ne reverra plus la couleur. Or, cet argent est simplement placé autrement: un terrain constitue une contre-valeur. Bien sûr, il faut être prudent quand on achète un bien-fonds. La politique foncière d’une commune doit rester dans l’intérêt public et faire l’objet d’une gestion scrupuleuse. 

«La politique foncière d’une commune doit rester dans l’intérêt public.»
Daniel Kolb, directeur de la section Développement territorial (aménagiste cantonal) du canton d’Argovie.

Une politique foncière active accroît la marge de manœuvre de la commune, disiez-vous. 

J’en suis convaincu. Fondamentalement, le but est de concrétiser des intérêts publics. Les privés visent d’abord à réaliser les leurs –et c’est bien légitime. Si une commune arrive à la conclusion qu’il est dans l’intérêt public de réaliser un projet déterminé quelque part, il lui faudra des terrains pour le faire. C’est là qu’une politique foncière active accroîtra sa marge de manœuvre. 

Pouvez-vous l’illustrer par des exemples concrets? 

L’évolution démographique nécessite un peu partout de construire des locaux scolaires. Si une commune doit agrandir une école, il lui sera peut-être difficile d’acquérir des terrains bon marché. Certains privés tirent profit de ce genre de situations. Mais si la commune possède elle-même des terrains, un échange de parcelles représentera peut-être une bonne solution. Un autre domaine où la politique foncière intervient est la promotion économique. Lorsque des entreprises locales veulent s’agrandir ou que de nouvelles entreprises souhaitent s’établir dans une commune, les pouvoirs publics pourront réagir tout différemment s’ils sont eux-mêmes en mesure de proposer des terrains. Sinon, tout dépendra du fait que des privés soient prêts à vendre. C’est donc, dans ce cas de figure, un troisième acteur qui entre en jeu – acteur qui défendra avant tout ses propres intérêts. Tant les PME que les grandes entreprises veulent en général pouvoir mettre leurs nouveaux locaux en service deux à trois ans après s’être décidées pour un site d’implantation. Il peut donc se révéler déterminant que la commune possède elle-même des terrains équipés et prêts à être construits. 

Vous avez évoqué les équipements publics et la promotion économique. Qu’en est-il du logement? 

Dans le domaine du logement, une offre diversifiée et des prix abordables sont des aspects qui revêtent toujours plus d’importance. La diversification de l’offre est dans l’intérêt public, tant du point de vue de la taille des logements que de leur statut, en propriété ou en location. Si une commune ne dispose, pour agir à ce niveau, que des prescriptions de son règlement sur les constructions, cela aura moins d’impact que si elle peut elle-même proposer des terrains et choisir les maîtres d’ouvrage. À moins qu’elle n’intervienne elle-même comme maître d’ouvrage et puisse ainsi déterminer directement l’offre de logements, comme c’est le cas à Laufenburg. 

Le marché privé n’est-il pas de nature à générer de lui-même une offre variée? 

Le marché privé vise souvent –ce qui est compréhensible – à obtenir un rendement maximal, et pas forcément une offre diversifiée. Si un site se prête particulièrement bien à un habitat adapté aux personnes âgées et qu’on laisse jouer le marché, ce sera un hasard si les logements qui sont construits correspondent en effet à ce créneau. Or, une politique foncière active, c’est remplacer le hasard par la volonté de façonner son avenir. Si les autorités communales possèdent une telle volonté, elles pourront la réaliser bien plus efficacement avec leurs propres terrains. 

La capacité de mener une politique foncière active est-elle liée à la taille de la commune?

Non, c’est une erreur de croire qu’une telle politique est réservée aux grandes communes. Il existe des besoins dans toutes les localités. L’important, c’est que celles-ci disposent d’outils adaptés à leur propre situation et qu’elles agissent en conséquence. Dans une commune, passer en force n’est pas possible. L’approbation de la population est indispensable, d’autant qu’il s’agit toujours, en fin de compte, de l’argent des contribuables. L’exécutif communal doit s’assurer du soutien des citoyens. 

«C’est une erreur de croire qu’une politique foncière active est réservée aux grandes communes.»
Daniel Kolb, directeur de la section Développement territorial (aménagiste cantonal) du canton d’Argovie.
Le développement du site d’Attisholz à Riedholz, issu de la politique foncière active du canton de Soleure, est un projet phare qui rayonne au-delà des limites
cantonales. Photo: Annemarie Straumann, EspaceSuisse

Nous avons jusqu’ici parlé de l’échelon communal. Le canton d’Argovie mène-t-il lui aussi une politique foncière active? 

Il en est de plus en plus souvent question, surtout dans les domaines des infrastructures et de la promotion économique. Mais il n’y a pour l’instant aucun programme, aucune stratégie politique en la matière. 

Le développement du site Attisholz, dans le canton de Soleure, où une entreprise de pointe a choisi de s’implanter, a-t-il agi comme un aiguillon? 

Oui, le cas d’Attisholz a sans conteste eu de l’écho au-delà des frontières cantonales. Le canton d’Argovie a récemment acquis six hectares de terrains dans le secteur du Sisslerfeld, dans le Fricktal. Cela non pas à des fins spéculatives, mais pour promouvoir le développement du périmètre. Le Sisslerfeld est la plus grande zone d’activités économiques du canton; c’est donc un pôle de développement d’importance cantonale. Mais cette acquisition constituait une exception. On observe maintenant quels en seront les effets. 

Le canton soutient-il les communes qui souhaitent mener une politique foncière active? 

Nous n’avons pas d’autres moyens d’aider les communes que de les conseiller. Cela se fait dans le cadre de nos échanges habituels avec elles, notamment en lien avec leurs plans d’aménagement. Au-delà de cela, il n’existe pas d’offre de conseil spécifique. Le canton peut accorder un soutien financier aux communes dans le cadre de leurs travaux de planification, par exemple pour des concours, mais les questions de politique foncière ne sont pas concernées au premier chef. 

Quels arguments feriez-vous valoir pour convaincre les communes de s’engager dans une politique foncière active? 

Une telle politique apporte une plus-value et une certaine marge de manœuvre dans la réalisation des intérêts publics. Sur le papier, les nobles principes et les grandes idées foisonnent. Une politique foncière active permet de se rapprocher de ces objectifs et de les concrétiser. 

Interview: Florian Inneman 

Inforum-3/202: Zoom sur Laufenburg AG

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