La végétation prend lentement possession de la promenade de la berge du Rhin. Sur les bancs de pierres aménagés au pied du talus, une végétation dense pousse entre les racines des saules buissonnants, tandis que des plantes pionnières pointent hors des interstices des murs en calcaire qui se dressent contre la rive. Le chemin du bas, qui permet d’accéder à l’eau, attire un nombre croissant de personnes souhaitant prendre un bain de soleil ou nager dans le Rhin. Juste au-dessus, sur la promenade piétonne et cyclable proprement dite, des cyclistes filent en direction du centre ou de la France. La promenade de la berge du Rhin a trouvé sa place dans la physionomie de la ville. Cela a pris du temps.
La promenade Saint-Jean en chiffres (portion du chemin de la berge du Rhin Bâle – Huningue)
- Superficie totale: 15’000 m2
- Longueur: env. 550 m
- Largeur: 10 à 30 m
- Dénivellation: 10 m
- Coûts du projet: environ 27 millions de francs
Quand on parle de la promenade de la berge du Rhin (Rheinuferpromenade), on entend la plupart du temps le spectaculaire ouvrage en calcaire réalisé entre le campus Novartis et le Rhin, dont l’origine remonte à 2002. Voilà presque 20 ans, en effet, le Conseil d’État du canton de Bâle-Ville décidait de fermer le port Saint-Jean et de réaffecter le site. Ce projet fut cependant rapidement stoppé par les coûts élevés qu’exigeaient la compensation de la résiliation anticipée des droits de superficie, le démantèlement des installations portuaires, l’assainissement du site, les travaux de fouilles archéologiques et la conception du nouvel aménagement de la berge.
Un accord controversé suivi d’une planification participative
Trois ans plus tard, une heureuse coïncidence permit de relancer le projet. En 2001, Novartis avait décidé de réunir ses deux sites jouxtant le port Saint-Jean en un seul campus fermé au public et d’y concentrer son administration et ses activités de recherche, de développement et de marketing. Or, la disposition des sites du géant pharmaceutique n’était pour cela pas vraiment idéale, puisqu’ils étaient séparés par l’Hüningerstrasse et limités par des voies de chemin de fer et que, de surcroît, l’espace ne suffisait pas.
Face à cette situation, le canton de Bâle-Ville et Novartis conclurent un accord de principe controversé, qui portait sur le développement urbanistique de la zone autour des sites de Novartis. Son point principal prévoyait l’achat, par Novartis, du port Saint-Jean et d’une partie de l’Hüningerstrasse – qui se verrait dès lors privatisée – au canton pour 100 millions de francs. En contrepartie, Novartis prenait en charge les coûts du concours pour le nouvel aménagement de la berge du Rhin, qui restait propriété du canton. Le canton prévoyait d’utiliser les 100 millions de francs pour faire avancer le projet de réaffectation du port jusqu’alors trop onéreux. Si la population ne voyait pas d’un très bon œil la privatisation du domaine public, la plupart des Bâloises et des Bâlois finirent par reconnaître les avantages à long terme de l’accord. En votant son approbation en 2006, le Grand Conseil donna le signal de départ du projet de la future promenade.
Un concours avec près de 60 équipes
Le nouvel aménagement du tronçon de berge concerné, d’une longueur de 550 mètres, fut élaboré dans le cadre d’une planification participative impliquant le groupe pharmaceutique et le canton. Novartis assura la direction et le financement du processus, tandis que le canton de Bâle-Ville prit en charge les coûts d’établissement des plans d’exécution et de la mise en œuvre.
Lors de la première étape du concours, près de 60 équipes remirent leur vision d’un nouvel aménagement de la berge, dont 15 furent retenues pour la deuxième étape par la commission de décision du jury composé de façon paritaire. Aucun des projets remis n’ayant suscité l’adhésion complète du jury, aucun vainqueur ne fut désigné. Au lieu de cela, le jury invita trois équipes à développer leur projet dans le cadre d’un mandat d’étude parallèle. Au printemps 2007, le projet «Undine», conçu par une agence zurichoise, fut finalement choisi.
De la place pour les vélos, les castors et les fleurs
En amont de l’approbation du nouvel aménagement de la berge, la Commission des constructions et de l’aménagement du territoire du Grand Conseil avait demandé au Conseil d’État qu’il s’engage pour une liaison composée d’espaces verts et ouverts aussi généreuse que possible et pour sa prolongation jusqu’à Huningue, sur le territoire français. Une attention toute particulière fut donc consacrée à l’écologie dans le projet d’exécution.
Au final, la promenade de la berge du Rhin est non seulement un axe de mobilité douce pour piétons et cyclistes, mais fait aussi partie d’un corridor de liaison pour la flore et la faune. Pour favoriser l’échange entre les populations de castors d’Alsace et de Suisse, deux structures subaquatiques ont été intégrées à la berge. Dans les murs en pierre naturelle, des cavités et des failles ont été spécialement prévues pour les lézards et d’autres espèces des milieux secs. Une végétation riveraine adaptée au site pousse sur la berge et sur les quatre bancs de pierres aménagés dans l’eau au pied de celle-ci.
Une planification transfrontalière commune
Le projet devait aussi permettre d’améliorer la circulation des personnes de part et d’autre de la frontière, et s’il y est bel et bien parvenu, c’est en grande partie grâce au travail de l’Exposition internationale d’architecture IBA Basel. Depuis sa création, en 2010, cette structure s’engage en effet pour une coordination internationale des projets dans la région trinationale (lire l’interview avec la directrice d’IBA Basel Monica Linder-Guarnaccia), et elle a grandement soutenu l’idée de prolonger le chemin de la rive du Rhin vers la France. Grâce aux échanges réguliers entre l’IBA, la ville de Huningue, le canton de Bâle-Ville et Novartis, la «voie verte», comme s’appelle désormais le tronçon sur le territoire français, a rapidement pris forme.
En avril 2016, la promenade de la berge du Rhin de SaintJean et la «voie verte» furent inaugurées ensemble. Il s’agit du premier projet labellisé IBA, un symbole qui récompense les efforts des villes et des acteurs impliqués pour planifier au-delà des frontières.
Beaucoup d’exigences sont satisfaites
Le résultat a fière allure – et répond à plusieurs exigences. D’aspect général élégant, la promenade comprend côté suisse deux chemins asphaltés: la promenade proprement dite et un chemin situé juste au-dessus du niveau de l’eau, appelé le «chemin de la berme» (Bermenweg), qui permet d’accéder au Rhin et qui est surtout utilisé par les adeptes de la nage et les personnes en quête de détente et de bain de soleil. Au-dessus, suffisamment surélevée pour être protégée des crues, la promenade principale fait partie du réseau cyclable de base du canton. Le chemin sinueux large de 4 mètres offre suffisamment de place aux cyclistes et aux piétons. Toutes les dizaines de mètres, des niches s’ouvrent dans des incurvations du mur et invitent à se reposer sur des bancs en bois de forme ondulée à l’ombre de jeunes arbres. Par ailleurs, des «archéoscopes» permettent de découvrir des visualisations du passé et des images des fouilles archéologiques effectuées sur le site, qui fut un important établissement celte.
Sur le territoire de la ville de Huningue, la «voie verte» a été réalisée de façon plus pragmatique – aussi pour des raisons techniques et financières. Le chemin asphalté de deux mètres de large longe d’abord en ligne droite une zone industrielle, puis passe sur une nouvelle passerelle métallique de couleur rouge brique, avant de suivre une rue de quartier à circulation réduite. À la hauteur de la zone industrielle, des surfaces en gravier bordent ici et là le chemin, et des troncs peints en couleurs vives ont été placés à différents endroits dans un but décoratif. Ce tronçon ne permet pas d’accéder à l’eau, soit parce que la végétation riveraine est trop dense, soit parce que la berge est trop construite.
Chronologie
2001
Novartis lance le projet «Novartis Campus», destiné à réunir ses sites du quartier de Saint-Jean en une seule entité dévolue aux savoirs, à l’innovation et aux rencontres.
2002
Le Conseil d’État prévoit de déplacer le port Saint-Jean pour créer davantage de place pour le logement, les services et les espaces verts et libres à la périphérie du quartier de Saint-Jean.
2005
Novartis et le canton de Bâle-Ville concluent un accord de principe, qui fixe notamment les parcelles que Novartis achètera au canton, leur prix de vente et la répartition des charges pour l’assainissement du sol. L’accord établit également que l’aménagement de la nouvelle promenade de la berge du Rhin devra faire l’objet d’un processus de planification participatif.
2006
Le Grand Conseil adopte la décision du Conseil d’État relative à la nouvelle affectation du port Saint-Jean et donne son accord pour l’aménagement d’une nouvelle promenade le long du Rhin.
2006–2007
Novartis et le canton de Bâle-Ville organisent en coopération un concours en deux étapes, qui est suivi d’un mandat d’étude parallèle. Le projet «Undine» est retenu.
2008–2014
Le démantèlement du port exige une coordination complexe: les installations portuaires sont démontées, les sites contaminés sont assainis, les plans de détail et d’exécution du projet «Undine» sont élaborés, et des travaux de fouilles archéologiques sont menés sur le site «Basel-Gasfabrik», où se trouvait un établissement celte.
2014–2016
Réalisation de la promenade Saint-Jean sur la berge du Rhin, qui est inaugurée lors d’une cérémonie le 25 avril 2016. La partie française reste tout d’abord fermée en semaine en raison de travaux d’assainissement de sites pollués.
2019
Achèvement des travaux d’assainissement sur le territoire de la ville de Huningue. Depuis le 29 octobre, le chemin de la berge du Rhin Saint-Jean–Huningue est ouvert sans interruption.
Des critiques demeurent
Malgré le faste de la réalisation côté suisse, la promenade rhénane de Saint-Jean ne fait pas l’unanimité à Bâle. Point central de la critique: son caractère trop minéral et massif. Il n’y a pas assez de végétation, et le lieu se transforme en un véritable four en été, raison pour laquelle il n’est pas surprenant que presque personne n’y demeure ou ne vienne y nager dans le Rhin. La critique porte aussi sur les quelque 30 millions de francs qu’a coûté le projet. Les options choisies côté français montrent que le chemin de la berge aurait aussi pu être réalisé à moindres frais.
Il est possible que ces arguments soient partiellement justifiés. Au début, les nouvelles réalisations suscitent souvent un effet d’étrangeté. La plupart du temps, cependant, elles finissent par s’intégrer à la physionomie de la ville et à être acceptées par la majorité. Le développement de la végétation atténuera progressivement la chaleur et rendra le séjour toujours plus agréable.
Depuis la fin octobre 2019, le nouveau chemin de la berge peut être utilisé sans restriction. Jusqu’à cette date, il était fermé en semaine en raison des travaux d’assainissement le long de la «voie verte». Si l’on considère le fait que, dans cette partie périphérique du quartier de Saint-Jean, la berge du Rhin est restée inaccessible au public ces 100 dernières années, la nouvelle situation est une amélioration à tout point de vue. Des surfaces en gravier et des troncs colorés animent les abords de la «voie verte».
Le développement n’en est qu’à ses débuts
Aujourd’hui, il est possible de longer le Rhin à pied ou à vélo sur près de 3,5 kilomètres depuis le centre de Bâle jusqu’à Huningue. Et ce n’est qu’un début, puisque 20 communes d’Allemagne, de France et de Suisse veulent collaborer dans le cadre du groupe de projets de l’IBA intitulé «Rhin, mon amour». Elles se sont engagées à donner les moyens de découvrir le paysage rhénan sur près de 70 kilomètres et à créer une identité rhénane commune. Un plan de mesures a été établi et des initiatives sont déjà prises en ce sens. À Bâle, cet attachement au fleuve s’exprime par exemple par une activité fort populaire, le «Rhyy-Schwumm», la nage dans le Rhin.
La parole à ... Monica Linder-Guarnaccia
L’Internationale Bauausstellung (Exposition internationale d’architecture) IBA Basel n’est pas une exposition au sens habituel du terme, mais un processus trinational de développement urbain et territorial pour la période 2010-2020. La promenade de la berge du Rhin en est l’un des plus de trente projets. L’IBA Basel s’achèvera à la fin de l’année. Nous en faisons déjà le bilan.
Madame Linder-Guarnaccia, êtes-vous courageuse?
Je pense que oui. Sinon, je n’aurais jamais pris la direction d’IBA Basel!
Vous avez dit une fois dans une interview que c’est beaucoup plus simple lorsque chaque pays planifie pour lui-même et qu’une planification transfrontalière nécessite du courage. Pourquoi?
Car on prend un risque. Quand chacun planifie pour soi, on travaille dans une structure claire, avec des délais et un budget. Un imprévu peut certes toujours arriver, mais il est alors facile de trouver une solution. Lorsque d’autres intervenants se joignent au processus, je dois tenir compte de leurs besoins, m’adapter et aussi me demander: est-ce que je veux ceci et cela ainsi? Suis-je désavantagé? Les autres le sont-ils? Cela demande beaucoup de confiance. Dans les projets IBA, nous avons développé une nouvelle culture de la planification, où nous mettons tout sur la table, aussi ce qui pose problème. Cela aussi demande du courage.
L’IBA Basel est fondée sur un processus trinational. Comment l’évaluez-vous à ce jour? A-t-il réussi?
Dans l’ensemble, j’oserais dire qu’il a réussi à merveille. Pour les participants, il était dans la majorité des cas tout à fait naturel de collaborer. Nous avons analysé ensemble les questions de qualité, les défis spécifiques à chaque pays ou les tâches communes. Aujourd’hui, la collaboration transfrontalière est devenue une chose normale dans les administrations. Cette manière de faire s’est établie, ce qui est très réjouissant. C’était aussi l’objectif de l’IBA Basel.
Cette collaboration transfrontalière s’est donc institutionnalisée grâce à l’IBA?
Tout à fait. Nous le constatons aussi lorsqu’un visiteur d’une autre région frontalière nous parle de certaines questions auxquelles nous étions confrontés il y a cinq ou six ans et que nous ne devons plus aborder aujourd’hui.
De quelles questions et de quels obstacles s’agit-il?
Il s’agit en particulier de la question de la compétence interculturelle. À l’IBA, tous les participants parlaient leur propre langue. Or différentes langues peuvent devenir un obstacle. Dans une région frontalière, chacun possède un bagage différent. Ici, la Suisse avec sa démocratie directe, là, la France avec ses processus plus hiérarchisés, qui existent aussi parfois en Allemagne, à quoi s’ajoutent les différentes structures administratives. En Suisse, la direction du projet a des responsabilités budgétaires et des compétences décisionnelles, même si cela doit être encore validé sur le plan politique. En France, il faut passer par d’autres niveaux hiérarchiques. Cette donne de départ fait que le projet progresse à différentes vitesses. En France, un projet qui a obtenu le feu vert politique peut être aussitôt mis en œuvre. En Suisse, c’est différent, vu qu’un référendum est possible.
Comment gère-t-on de pareilles différences structurelles en matière de planification et de processus politique?
Dans le cadre de l’IBA, nous avons essayé d’intégrer le plus tôt possible la population. Nous avons par exemple mené de vastes enquêtes sur l’utilisation des transports et les besoins des pendulaires dans différentes gares et en ligne. Nous avons aussi questionné des passants sur un développement coordonné des quartiers. Chacun des trois pays a d’autres manières de faire et d’autres exigences en ce qui concerne la participation de la population. À l’IBA, nous pouvions agir sans devoir nous en tenir aux procédures administratives et atteindre les personnes là où elles se trouvaient.
Les outils de planification en usage suffisent donc dès lors qu’on les utilise à une échelle plus large?
En principe oui, mais la question est bien plutôt comment on les utilise. Lorsqu’on traite un thème dans une perspective transfrontalière, il faut environ 30 pour cent de temps et de ressources supplémentaires. Mais la plus-value est certaine.
En Allemagne, l’Internationale Bauausstellung (IBA) (Exposition internationale d’architecture) est depuis 100 ans un instrument de développement territorial et urbain efficace et fécond. Parmi les exemples connus, on peut citer l’IBA Hamburg ou l’Emscher Park dans la Ruhr. Le processus est toujours au centre de la démarche et non les constructions.
Prévue sur dix ans, l’IBA Basel est un processus de transformation dans la région métropolitaine bâloise, centré sur la collaboration internationale. Une première en Suisse. Son objectif est notamment de concevoir sur le long terme la croissance et le fusionnement de la région métropolitaine.
Lancé en 2010 sous le slogan «Au-delà des frontières, ensemble», un appel à projets public a reçu plus de 100 propositions de développement urbanistique et paysager dans la région à cheval entre Bâle, l’Alsace et le sud du Pays de Bade. 32 projets sont en cours, dont celui des berges du Rhin. Les projets ont été retenus selon divers critères, notamment le caractère exemplaire, la qualité de la conception et la dimension transfrontalière.
L’IBA Basel est présidée par le conseiller d’État HansPeter Wessels, directeur du Département des travaux publics et des transports du canton de Bâle-Ville. La centrale de l’IBA Basel compte onze postes à plein temps. La présentation finale a dû être repoussée en raison de la pandémie de Covid-19. L’IBA BASEL EXPO se tiendra du 30 avril au 6 juin 2021 à Weil am Rhein (D).
Avec la collaboration transfrontalière, l’IBA voulait aussi dépasser les frontières et jeter des ponts. Y est-elle parvenue?
Je crois que nous sommes sur la bonne voie, mais encore loin du but. Notre objectif était de tester dans quelle mesure la collaboration transfrontalière permet d’accroître le rendement et l’efficacité. Je vous donne un exemple: un concours est organisé en Suisse pour un projet qui concerne l’ensemble de la région métropolitaine. Dans le cadre de l’IBA, nous avons invité les communes ou les pays au-delà de la frontière à participer au jury du projet, ce que les participants ont grandement apprécié. Les discussions et les différents points de vue améliorent automatiquement la qualité. L’IBA Basel accorde aussi un rôle majeur à l’interdisciplinarité. Lorsqu’un projet est traité non seulement du point de vue architectural et aménagiste, mais aussi du point de vue des sciences sociales, il gagne en richesse.
Recommandez-vous aussi ce type d’approche élargie à d’autres régions qui ne se trouvent pas dans un contexte international, mais qui souhaitent travailler de manière suprarégionale?
Absolument. Le projet IBA «Paysage du Birspark», par exemple, ne réunit que des communes suisses. Elles doivent certes toutes respecter la même législation sur l’aménagement du territoire, mais une frontière communale est aussi une frontière, et il existe également des besoins différents. Le premier critère à prendre en compte consiste toujours à se demander: quelle est la plus-value pour mon voisin? Cela semble simple, mais la mise en œuvre est plus compliquée qu’on ne le pense. Je dois me mettre à la place de mon voisin, l’écouter et le comprendre, et en même temps ne pas négliger mes propres besoins. Qu’il s’agisse d’une frontière linguistique, culturelle ou communale n’a à cet égard aucune importance. On doit de toute façon prendre du recul par rapport à sa propre position et avoir le courage de se dire: ok, j’essaie de développer le projet de façon à ce qu’il convienne aussi à mon voisin. Plus on satisfait d’exigences, plus la mise en œuvre devient compliquée, mais aussi plus adaptée et plus ciblée.
Le projet de la promenade de la berge du Rhin était l’un des premiers projets IBA. En quoi est-il particulier?
Le chemin de la berge du Rhin est une réussite majeure dans un projet de plus grande envergure. Ce n’était pas un projet IBA dès l’origine, car l’idée était plus ancienne. Il l’est devenu dès le moment où l’on a décidé de ne pas considérer seulement la partie suisse, mais d’intégrer aussi la ville française voisine de Huningue. De plus, la promenade fait partie du groupe de projets IBA de plus grande envergure intitulé «Rhin, mon amour», qui a réuni autour d’une table les représentantes et représentants de pas moins de 20 communes pour discuter d’une valorisation des rives du Rhin.
À côté de ce projet exemplaire, il y a eu aussi d’autres projets qui ont eu de la peine à démarrer, surtout dans les premières années. Comment l’expliquez-vous?
Comme je n’étais pas là dès le début, je ne peux pas vous répondre sur tous les points. Il y a sûrement eu plusieurs raisons. Une des difficultés devait probablement être liée au financement des projets. À cela vient s’ajouter le fait que I’IBA, en tant qu’instrument, était parfaitement inconnue en Suisse et en
France. Le principe de l’IBA était connu à la rigueur pour les réalisations architecturales qui pouvaient lui être associées en Allemagne, par exemple la cité Weissenhof. Le public spécialisé attendait des réalisations architecturales, car l’IBA était surtout vue comme une exposition d’architecture. Or, l’IBA Basel a été conçue comme un instrument de planification pour le développement international de la région métropolitaine. Cette situation a été longtemps mal comprise. L’IBA Basel est une IBA qui traite un nouveau thème. Dans la région frontalière entre la France et le Luxembourg, une IBA est en train d’être mise en place sur le modèle de celle de Bâle.
C’est un grand succès. À Bâle même, on a souvent entendu la critique selon laquelle l’IBA Basel était totalement inconnue du grand public.
Oui, c’est une situation qu’a connue chaque IBA, aussi la fameuse IBA Hamburg, jusqu’à la présentation finale. Toutes les IBA ont souffert de ce genre de critique, parce qu’une IBA traite de processus, ce qui n’inclut pas toujours le grand public. Le reproche selon lequel l’IBA Basel n’est pas visible est fondé. Le but de l’IBA était cependant de changer la culture de la planification dans la région, ce qui n’est pas une démarche qui se voit rapidement.
Interview: Monika Zumbrunn,
Responsable communikation EspaceSuisse